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Toulouse - Compte-rendu : Minkowski dirige Roméo et Juliette


Berlioz déteste l’illusion symphonique. Toute sa musique est théâtre, et cette condition première éclate littéralement dans la vaste partition de Roméo et Juliette. Cet orchestre qui n’est que récit, démonstration, enfièvrement, dont les thèmes virent progressivement aux motifs signalétiques, et dont la poésie est active même durant la Tristesse de Roméo, va comme un gant, on s’en doutait, à la baguette de Marc Minkowski qui l’ensauvage et la raffine à la fois, exposant sa suractivité obsessive en la débarrassant de l’envahissant rubato dont toute une tradition encore trop vivace l’encombre, soulignant les coups de génie d’une instrumentation qui regarde très loin devant.

Les trois chœurs son spatialisés comme le demande Berlioz, et l’acoustique ouverte de la Halle aux Grains les met idéalement en résonance. Les Toulousains offrent leurs couleurs un peu crues à ce déploiement inouï de timbres toujours aussi surprenant et les bassons français conservent cette sonorité de cromorne, ce creux sonore rugueux, qui pimente la petite harmonie, en éclate l’unité.

Lecture de tempos très contrastés d’une partie à l’autre et au sein de chacune des trois ; subtilement fluide pour les strophes où Yvonne Naef met de sa voix ample beaucoup de sens et aucune affectation, fouetté pour le Scherzetto du ténor – brillant Loïc Félix - qui file avec son petit orchestre de vermeil et d’acides. Ce contraste s’augmente encore lors de la vaste scène au tombeau, très retenue pour la lamentation introductive, presque fuligineuse dans ses dosages subtils que permet justement ce tempo, puis littéralement hystérique pour la joie des amants.

Quelques solistes mettent ici leur génie : David Minetti en particulier dont la clarinette irréelle à force de pianissimo incarne les plaintes de Juliette émergeant de son sommeil de mort. Final délicat on le sait, où la pompe peut tout détruire et dont seul un tempo exact sait gommer le creux d’inspiration. Minkowski enlève cela d’une seule houle, portant un Alain Vernhes formidable d’autorité et de théâtre, exaltant l’ensemble avec une générosité que seul Munch y mettait jadis.

Jean-Charles Hoffelé

Toulouse, Halle aux Grains le 17 mars 2007

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Photo : DR

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