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Salonen dirige Le Château de Barbe-Bleue au TCE - Par-delà le théâtre - Compte-rendu


Qu’arrive-t-il au Philharmonia ? : gris et terne il émousse tous les angles de la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartok, alors que Salonen souligne comme en désespoir de cause les éléments populaires, les rendant plus exogènes encore au fond et au sens de l’œuvre. On arrivait à l’entracte dépité, certain que Kubrick n’eût jamais trouvé ici de quoi alimenter son « redrum ».

Retour à la salle, Carole Bouquet s’avance, sa robe autant sonorisée que sa voix, improbable narratrice d’un texte médiocrement traduit d’après Balazs. Son « il était une fois » veut nous entraîner chez Peau d’âne plutôt que chez Barbe-Bleue. On l’oublie d’autant plus vite que Salonen immédiatement installe le vrai mystère de l’œuvre : douves et cachots, douleurs et larmes. Une tension inexorable vous prend à la gorge, cet orchestre raffiné et terrible vous déborde, vous engloutit dans des tutti où la monstrueuse machine de l’orgue semble venue spécialement pour vous broyer dans votre fauteuil. On voudrait fuir, on est happé, vampirisé par le génie de cet orchestre-corps.

Quel dommage qu’un si formidable appareil soit au service d’un couple si impossible. Michelle DeYoung chante bien, mais joue la carte univoque de la séduction. Thaïs peut-être, Judith non, et John Tomlinson aboie son méchant forte, nous régalant des mines d’un vieux barbon sadique. Bartok devait se retourner dans sa tombe, Balazs hurler d’entre les morts, leur secret chef-d’œuvre pillé par ces mauvais acteurs ! Preuve que Le Château dépasse le théâtre, qu’il faut lui donner toujours une intériorité, surtout au concert où l’on devrait le dédouaner de jeux de scène aussi inutiles que pitoyables. On repartait sonné par cet orchestre radieux et noir, et furieux contre ce couple aussi caricatural qu’improbable.

Jean-Charles Hoffelé

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 15 novembre 2011

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Photo : DR

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