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Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Elysées au TCE - Dentelle de Bruges - Compte-rendu


On l’aime bien Philippe Herreweghe. On ne songe pas une seconde à oublier ses sublimes Cantates de Bach qui furent aux midis du Festival de Saintes qu’il a rebaptisé en Académies ce que le Clavier bien tempéré fut à la longévité et à la philosophie de Pablo Casals. Mais là, il exagère. Comment oser se présenter au public avec le Concerto de violon de Schumann, dernière pièce avec orchestre du compositeur, qui en dit plus sur la tragédie du mal qui le ronge que sur son génie passé ?

C’est le violoniste autrichien Thomas Zehetmair qui se dévoue : on l’admire. D’autant plus que le chef, plus brasse coulée que jamais à la tête de l’Orchestre des Champs-Elysées, ne l’aide guère en tournant en rond à l’instar de l’esprit perturbé de Schumann. Le soliste a, en revanche, une idée géniale, en grand serviteur qu’il est de la musique de son temps, avec le choix comme bis d’une pièce archi-schumannienne d’un autre écorché vif de la musique germanique, Bernd Aloïs Zimmermann, l’auteur des Soldats. Lui aussi ira au suicide à 52 ans en 1970, mais sans se rater. Cette Partita moderne offre un vrai miroir à la folie de Schumann : c’est bouleversant, mais passe par-dessus la tête d’un public rameuté à grand peine…

Après l’entracte, l’Ecossaise de Mendelssohn se traîne dans un mezza voce mortel : Herreweghe se croit dans une bibliothèque et cherche à travers les lignes de la partition le souvenir du vieux Bach : l’admiration de Felix pour le Cantor n’est plus à démontrer depuis qu’il en a ressuscité la Passion selon Saint Matthieu à Berlin ! ça n’est plus de la musicologie mais de l’entêtement. Tous les beaux ressorts tendus par Mendelssohn foirent dans cette pâle dentelle de Bruges. Il faut attendre le quatrième mouvement pour que le chef s’avise soudain qu’il est au concert et fouette un peu ses troupes qui n’attendaient que cela pour décoller, à commencer pas les cors naturels qui s’étaient jusque là faits bien discrets, comme paralysés par la peur du couac baroque… Trop tard.

Jacques Doucelin

Théâtre des Champs-Elysées, 11 avril 2011

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Photo : DR

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