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Paris - Compte-rendu : Tragiques d'hier et d'aujourd'hui
Un Châtelet bien garni pour un dimanche après-midi et surtout pour un programme de musique contemporaine joué par des anti-vedettes : c'est la preuve que le Festival d'automne a sa clientèle fidèle. En réinvitant l'Orchestre de la Radio de Cologne, il ne prenait guère de risque, car ces musiciens d'expérience connaissent tous les styles du bel aujourd'hui. Il en a pris davantage en les confiant au jeune chef américain Brad Lubman. Mais le choix était le bon, car lui aussi est à son affaire. Au menu deux commandes de cet orchestre passées au Français Gérard Pesson (né en 1958) (photo) en 2002 et 2005, et deux classiques de Bernd Aloïs Zimmermann et de Iannis Xenakis.
Aggravations et final de Pesson est assez aride, le résultat sonore restant en deça du but visé. Tout à l'inverse de sa seconde pièce où s'instaure une dialectique vivante. Il s'agit de Wunderblock (Nebenstück II) sous-titré Tentative d'effacement du Majestoso de la 6e Symphonie d'Anton Bruckner. Peu importe la technique de déconstruction et d'invasion du bernard-l'ermite si elle accroche l'intérêt de l'auditeur. L'humour n'est pas non plus absent de ce jeu avec un matériau référent. La prestation de l'accordéoniste classique Teodoro Anzellotti en contraste avec les timbres habituels de l'orchestre y a sa part.
Rien à voir néanmoins avec les béances tragiques que révèlent les cris proférés du fond de sa déréliction par Bernd Aloïs Zimmermann dans Photoptosis, curieusement un titre à la Xenakis. Mais Beethoven, comme une consolation entrevue dans les noirceurs de l'être, n'est jamais loin derrière les zébrures mortifères des cuivres. Une magnifique orchestration à laquelle les musiciens rendent parfaitement justice.
Ils ne maîtrisent pas moins le langage si original de Iannis Xenakis dans Antikhton, une architecture qui découpe l'espace sonore d'arêtes vives. La direction du chef est parfaite, comme la réponse des musiciens de Cologne qui ont percé les mystères des nombres qui président à l'invention de la musique de ce fils de Pythagore. Qu'attendent les orchestres parisiens pour jouer davantage les pièces de ce créateur d'exception ?
Jacques Doucelin
Festival d’automne, Théâtre du Châtelet, 5 octobre 2008
Voir le reportage vidéo de Rubato ma glissando de Gérard Pesson au Festival d’Automne 2008
Photo : DR
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