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« Nous travaillons dans une belle remise en question » Une interview de Nicolas Chalvin, Directeur musical de l’Orchestre des Pays de Savoie


Double actualité pour l’Orchestre des Pays de Savoie et son Directeur musical Nicolas Chalvin qui sont en concert les 17 et 19 novembre (à Chambéry et Evian) et viennent par ailleurs de signer un superbe enregistrement de la méconnue « chantefable » Aucassin et Nicolette de Paul Le Flem(1). Questions à un chef mordu de musique française.

Quel bilan tirez-vous alors que vient de démarrer votre troisième saison à la tête de l’Orchestre des Pays de Savoie ?

Nicolas CHALVIN : Je suis heureux de la qualité des concerts. Les musiciens de l’Orchestre ont toujours été très investis, mais je trouve qu’en matière de qualité, de style, on avance à grands pas. Il se passe des choses du point de vue musical. Nous essayons de faire de chaque concert une référence pour celui d’après. Nous travaillons tous aussi dans une belle remise en question ; d’une certaine manière nous faisons tous la chasse aux habitudes, aux mauvaises habitudes.


Ma programmation est axée sur la construction d’une identité d’orchestre de chambre. Il me semble important de construire un orchestre capable de jouer le répertoire qui lui est dévolu. Il faut évidemment que le public suive, mais on peut l’attirer avec des œuvres que l’Orchestre a envie de jouer et que les mélomanes ont envie d’entendre. C’est pourquoi j’ai lancé un cycle des concertos pour piano de Beethoven ; ça peut paraître un peu « bateau » dans une métropole, mais en région ça n’a rien de banal. Nous avons commencé la saison passée avec Pascal Amoyel et Cédric Tiberghien, nous donnons cette saison les 5ème et 2ème Concertos avec Steven Osborne et François-Frédéric Guy, et nous terminerons la saison prochaine avec Alexandre Tharaud. Ce sont des oeuvres qui attirent du monde et que nous sommes infiniment heureux de jouer.

Je me réjouis par ailleurs du formidable accueil qui nous a été réservé lors de notre récente tournée en Russie – une standing ovation à Irkoutsk, cinq bis à Moscou !

Qu’en est-il du travail sur le terrain, en matière d’actions pédagogiques, etc.

N.C. : Ces actions font partie du cahier des charges de l’Orchestre, elles ont toujours existé mais nous essayons de les mettre un peu plus en valeur. La nouveauté depuis mon arrivée est la mise en place de « concerts découvertes » ; des rendez-vous un peu plus courts que la normale, à des horaires différents : c’est le cas par exemple avec les « Impromptus » du Théâtre Charles Dullin à 17h à Chambéry où les familles peuvent venir à des tarifs moins élevés que pour les autres concerts.
Nous diffusons la musique partout dans la région, aussi bien dans de petites communes que de grandes salles. Outre Chambéry, nous jouons à la MC2 Grenoble, nous allons aussi retourner à La Grange au Lac d’Evian. Nous sommes une formation itinérante et il serait bien qu’elle puisse asseoir sa sonorité dans une salle ; c’est le prochain défi à relever pour moi que de l’attacher à un ou deux lieux.

Outre la poursuite du cycle des concertos de Beethoven, quels sont les temps fort de la saison 2011-2012 ?

N.C. : Au printemps, nous donnons l’Orphée de Gluck (version Berlioz) en version de concert, dans le cadre de l’année J.J. Rousseau qui est très fêtée en Région Rhône-Alpes, surtout à Chambéry évidemment. Nous le jouerons au printemps, à cinq reprises dans la région (Grenoble, Chambéry, Belley, Villefontaine, Albertville) et une fois au Théâtre Impérial de Compiègne. Je n’avais pas très envie de faire Le Devin de village pour l’année Rousseau (rires)… Le chœur de Bernard Têtu sera à nos côtés pour cette série. C’est un peu notre partenaire naturel ; c’est un excellent ensemble et je connais Bernard depuis longues années. Lorsque j’étais au Conservatoire à Lyon, il dirigeait l’ensemble vocal et j’ai souvent joué avec lui à l’époque où j’étais hautboïste.

Les instruments à vent vous sont chers ; les concertos pour vents de Mozart sont d’ailleurs au programme de la saison…

N.C. : J’ai d’abord choisi de les programmer pour répondre à une demande. Lorsque je suis arrivé à l’Orchestre, j’ai fait une réunion avec les directeurs d’écoles de musique, de conservatoires, etc. et leur ai demandé ce qu’ils attendaient de l’Orchestre. Ils m’ont fait part de leur envie d’entendre des instruments à vent ; j’ai alors songé à ce cycle Mozart. Nous avons d’excellents solistes en France et lorsqu’ils viennent jouer avec nous, c’est l’occasion d’organiser des master-classes avec les conservatoires. Nous mettons souvent en place des actions culturelles autour de la venue d’un soliste. En mars prochain par exemple, la violoniste Naoko Ogihara sera l’invitée de l’Orchestre dans un programme XXe siècle. Parallèlement, elle participera à un concert avec un orchestre d’élèves.
Il reste que l’une des choses les plus importantes pour nous cette saison, c’est l’installation à La Grange au Lac. Il va falloir que le public prenne l’habitude d’y venir ; mais on ne peut qu’éprouver du bonheur à passer une soirée dans une telle salle…

Pour conclure, venons-en à vos activités discographiques avec l’Orchestre. La musique française rare vous passionne et, après une très belle Sophie Arnould de Gabriel Pierné, vous venez d’enregistrer, toujours pour Timpani, Aucassin et Nicolette de Paul Le Flem.

N.C. : J’aime la musique française. En tant qu’orchestre français nous avons des devoirs envers ce répertoire, nous devons le jouer, pas par nationalisme mais parce que ça apporte une spécificité à la couleur des orchestres. Cette orientation française vient aussi de la collaboration avec Stéphane Topakian, directeur du label Timpani. A chaque fois qu’il m’a fait telle ou telle suggestion, ça a été une découverte vraiment intéressante. J’ai une totale confiance en ses goûts ; c’est grâce à lui que j’ai découvert Aucassin et Nicolette.

Qu’est-ce qui vous a d’abord séduit lorsque vous vous êtes plongé dans cette partition ?

N.C. : Elle a charme profond, un côté un peu debussyste aussi ; l’orchestration est très originale : cordes, piano, harpe, harmonium. L’œuvre a été écrite en 1908-1909 pour le théâtre d’ombres, genre disparu ce qui explique l’oubli dans lequel elle était tombée. Je suis très attaché au répertoire lyrique, sa fréquentation est essentielle pour la souplesse de l’Orchestre.

Quel est votre prochain projet lyrique au disque ?

N.C. : C’est de parvenir à récupérer 60 000 € pour nous lancer dans l’enregistrement d’une autre partition lyrique française méconnue ! Quand je vois le succès remporté par Sophie Arnould, je me dis que ça vaut la peine de se battre pour de tels projets.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 22 octobre 2011.

(1)Paul Le Flem (1881-1984) : Aucassin et Nicolette - 1 CD Timpani / 1C1188 / avec Dephine Haidan, Stanislas de Barbeyrac, Mélanie Boisvert, Armand Arapian, Katia Velletaz.
Solistes de Lyon – Bernard Têtu/ Orchestre des Pays de Savoie, dir. Nicolas Chalvin

Beethoven : Concerto n°5 « Empereur

Kubelik : Quatre formes pour cordes

Beethoven : Symphonie n°8

Orchestre des Pays de Savoie, dir. Nicolas Chalvin


Steven Osborne, piano

17 novembre – Chambéry – Espace Malraux – 20h30

19 novembre – Evian – La Grange au Lac – 20h30

www.orchestrepayssavoie.com

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Photo : Vanappelghem

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