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La Clémence de Titus à l'Opéra de Rennes – Cette intolérable vertu – Compte-rendu

Publio (Christophoros Stamboglis) assassine Titus d’un coup de revolver après le lieto fine. Le geste, inattendu, surprend son public et clôt sans espoir cette Clémence de Titus revêtue fasciste. Un point de vue mussolinien que Fabio Ceresa, en 2018 à Lausanne, avait su rendre particulièrement signifiant. Celui de Pierre-Emmanuel Rousseau est un huis-clos où les intrigues suintent des marbres noirs et blancs. Au deuxième acte, après l’incendie du Capitole, un environnement de cendres et de meubles carbonisés les recouvrira. Et quatre sacs mortuaires signaleront la vérité de l’attentat politique. 

Le metteur en scène n’accorde aucune foi à la clémence impériale, objet de propagande construit par Metastasio avec le succès d’adaptation que l’on sait. Son Titus est davantage un Tartuffe Néron ; sa vertu de façade est au pire délétère, au mieux hypocrite. À cet empereur qui se rêve en architecte d’un nouveau Capitole, Jeremy Ovenden, timbre chaleureux mais projetant court, offre des mollesses de Don Ottavio pervers. 
 

© Laurent Guizard

La génération montant vers les gloires de Rome, Sesto et Annio, excite davantage. Chacun attend son heure pour siéger au Sénat ou coucher utile. L’habillage générationnel porte l’attention sur Abigaïl Lewis, Annio à la voix de lumière, et l’épatante Servilia d’Olivia Doray, timbre fruité et actrice pleine d’allant. Sesto est ici frère en malheur du Sesto de Giulio Cesare. José Maria Lo Monaco le campe en androgyne séduit, torturé, enthousiaste. La mezzo sicilienne a le timbre chaud, ombré, et la vocalisation sans reproche. 

Vitellia prend la figure de la Baronne von Essenbeck des Damnés de Visconti. Roberta Mameli peut y glisser ses aigus tendus et sa virtuosité instable. La référence cinématographique, très appuyée, culmine en un « Non piu di fiori » où l’aria se fait décompensation psychique. La cantatrice, alors, finit par dompter les errances de son timbre. L’excellentissime clarinette féminine renouvelle, après un superbe « Parto, parto » à l’acte I, le souffle de sa grâce.
Les pupitres de l’Orchestre Symphonique de Bretagne, sous la vive houlette de Nicolas Krüger, habillent de couleurs toniques la salle - boîte à musique. Le chœur de chambre Mélismes / Opéra de Rennes (préparé par Gildas Pungier) contribue à éclairer ce dernier Mozart qui s’écoule sans être languissant, un écueil que rencontre fréquemment les productions de la Clémence de Titus.    

Vincent Borel

Mozart : La Clémence de Titus – Rennes, Opéra, 2 mars ; prochaines représentations les 4, 6 et 8 mars 2020 // opera-rennes.fr/fr/evenement/la-clemence-de-titus
puis à Nantes (Théâtre Graslin ) du 15 au 23 mars 2020 // https://www.angers-nantes-opera.com/la-programmation-1920/operas/la-clemenza-di-tito

Photo © Laurent Guizard

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