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Joshua Weilerstein dirige l’Orchestre national d’Île-de-France – Energie et naturel – Compte-rendu

La fin de l’année 2019 aura été marquée à l’Orchestre national d’Île-de-France par la présence de plusieurs jeunes chefs invités, que l’on découvrait pour la première fois à la tête de cette formation. Après les apparitions remarquées de Tito Muñoz et Ruth Reinhardt, c’était au tour de Joshua Weilerstein (né en 1987) d’enthousiasmer l’auditoire par l’énergie et le naturel de son propos. Depuis son Premier Prix et le Prix du Public au Concours Malko de Copenhague en 2009, l’artiste américain mène une belle carrière, les invitations se multipliant parallèlement à ses fonctions de directeur musical de l’Orchestre de chambre de Lausanne (poste qu’il occupe depuis 2015 et quittera en 2021). Son premier contact avec l’Ondif a été une réussite et, malgré les grèves, le public a répondu nombreux pour un programme tout à la fois populaire et original tel que la phalange francilienne sait en proposer.
 
Paul Meyer © Vandoren - Edith Held

Avec les Quatre Interludes marrins de Britten la dimension très directe, très immédiate de la battue de Weilerstein s’exprime dans une approche suggestive et pleine de couleurs, de la poésie nuancée du n° 1 à la violente tension de la tempête conclusive. Parfaite entrée en matière avant de céder aux charmes du Concerto pour clarinette de Mozart confié à Paul Meyer. Dès l’Allegro la simplicité et l’intelligence du phrasé emportent l’adhésion et l’on cède sans doute plus encore à l’approche rêveuse, infiniment nuancée, de l’Adagio (quel contrôle du souffle, quelle précision des attaques !), avant un Rondo dans lequel le soliste introduit quelques ombres et une part d’ambiguïté. Quant à Weilerstein, à l’écoute de son partenaire d’un bout à l’autre de la partition, il modèle le son avec soin extrême.

Echo au début du concert, le Cantus in memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt ouvre la seconde partie avec une intensité et une sobriété recueillies ; les cordes de l’Ondif se distinguent par leur souplesse et leur homogénéité. Elles seront très sollicitées aussi par la suite dans les Variations Enigma d’Elgar, partition d’évidence chère au cœur de Joshua Weilerstein. Le jeune maestro prend d’ailleurs le micro pour dire quelques mots au public sur ce chef-d’œuvre, certes pas inconnu mais finalement bien rare dans les programmes des orchestres français (les deux symphonies du maître anglais le sont plus encore, hélas – n'allons pas jusqu'à rêver de la 3ème reconstituée par Anthony Payne ! ), avant de l’embarquer dans une interprétation toujours très caractérisée et vivante (les vents ont de quoi se régaler ici !), pleine de sève lyrique et de détails raffinés, équilibrée aussi, le jeune maestro se gardant de céder à l’hypertrophie expressive dans le fameux Nimrod.

On n’oubliera pas enfin de saluer Jean-Michel Penot, hautbois solo et membre de l’Ondif depuis janvier 1978, dont cette série de concerts avec Joshua Weilerstein aura été la dernière avant son départ à la retraite. Oubliant un poignet fracturé, il était à son poste et ses collègues lui ont rendu un émouvant hommage.

Alain Cochard

Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 22 décembre 2019

Photo © Sim Canetty-Clark

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