Vieille connaissance pour Leonardo García Alarcón (photo) que le Palazzo incantato (Le Palais enchanté) de Luigi Rossi (1597-1653). L’artiste argentin était encore étudiant quand en 1999 – il avait 23 ans – il tomba par hasard sur cette partition à la Bibliothèque du Vatican, à l’occasion de recherches sur Marco Marazzoli – une curiosité peu ordinaire se manifestait déjà, on le voit, de la part de celui qui s’est depuis imposé comme l’une des personnalités les plus importantes de la musique baroque.
 
Rossi, représentant de l’école romaine par excellence

La plongée dans la partition du Palazzo, premier opéra de Rossi créé en 1642, cinq ans avant la présentation en France du second, Orfeo, fut un véritable éblouissement pour le jeune Alarcón, conquis par l’inspiration de celui qu’il désigne comme « l’un des plus grands compositeurs du XVIIe siècle ; le représentant de l’école romaine par excellence. » Il Palazzo incantato s’inscrit à l’affiche de l’Opéra de Dijon au moment où prend fin le mandat de Laurent Joyeux à la tête de l’institution lyrique bourguignonne ; quatorze années que le directeur compare à une « utopie qui a pris vie ». Il peut en tout cas être fier du bilan d’une politique placée sous le signe de la découverte – de répertoires et d’artistes – et de l’exigence. Seul juge de paix en la matière, le public n’a d’ailleurs cessé de la plébisciter.
 

Pendant les répétitions ... © Gilles Abegg – Opéra de Dijon
 
« Un rêve qui me tenait à cœur »

Découverte, exigence, fidélité aussi : L.G. Alarcón est en résidence depuis 2017 à l’Opéra de Dijon. Après Il Prometeo de Draghi et La Finta Pazza de Sacrati, L. Joyeux a donné au patron de la Cappella Mediterranea la possibilité d’explorer une autre terra incognita du répertoire lyrique baroque. « Un rêve qui me tenait à cœur », dit le chef de l'œuvre sur laquelle il travaille en ce moment. Rêve que le reconfinement aurait pu réduire à néant, n’avait été la volonté de l’Opéra de Dijon de poursuivre le travail afin de réaliser la captation d’une production qui sera diffusée gratuitement sur le site de l’Opéra aux dates initialement prévues et demeurera en accès libre jusqu’au 31 décembre.
 

Pendant les répétitions ... © Gilles Abegg – Opéra de Dijon
 
Une métaphore de la situation extérieure

Fabrice Murgia signe la régie d’une "azione in musica", inspirée d’un épisode du Roland furieux de l’Arioste, qui résonne de façon particulière dans le contexte actuel. « Ce Palazzo, note le metteur en scène belge, devient une sorte de métaphore de la situation extérieure ! Nous sommes ici, à l’opéra, en confinement pour de travail pour répéter des scènes qui mettent les personnages en confinement dans un palais qui en quelque sorte organise la distanciation sociale entre eux, les sépare, les empêche de se retrouver, de s’aimer, de s’embrasser. Cet écho, cette mise en abyme de notre situation extérieure dans l’intimité du travail de plateau est vraiment en train, je crois, d’influencer notre état d’âme dans l’interprétation. Nous sommes plongés dans une sorte de concentration sublimée de notre propre Palazzo ».
  
Un très important effectif

Seulement comparable, parmi les opéras du XVIIe siècle, à Ercole amante de Cavalli et Il Pomo d’Oro de Cesti pour sa richesse, selon L.G. Alarcón, Il Palazzo incantato requiert un très vaste effectif, tant vocal (13 chanteurs se partageront 22 rôles sur la scène dijonnaise) que choral ou orchestral. On fait toute confiance au chef argentin pour traduire toute l’opulence d’une partition méconnue dont les emplois principaux sont confiés à Victor Sicard, Arienna Vendittelli, Fabio Trümpy, Deanna Breiwick, Mark Milhofer, Lucía Martín-Carton et Mariana Flores.
Rendez-vous à partir du 11 décembre sur le site de l’Opéra de Dijon !
 
Alain Cochard