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Festival de Salon-de-Provence 2019 – Au royaume de la musique de chambre – Compte-rendu

Depuis vingt-six ans, c’est un « petit grand » festival de musique de chambre qui anime Salon-de-Provence pendant une dizaine de jours entre juillet et août. Il est né de la volonté d’Eric le Sage, Paul Meyer et Emmanuel Pahud de partager leur passion de façon amicale, voire familiale, une fois le chant des cigales endormi. Salon-de-Provence avait la cour du château de l’Empéri pour accueillir les concerts sous les étoiles et la volonté politique de se positionner aux côtés des plus grands festivals de la région ; il n’en fallait pas plus pour afficher désormais en baseline des programmes : « Les meilleurs solistes du monde sont à Salon ».

Sunhae Kim © Aurélien Gaillard

En ce dernier jour de festival, tout débute à midi dans la chapelle de l’Abbaye de Sainte-Croix, désormais hostellerie partenaire de la manifestation, installée en pleine campagne à quelques encablures de la ville. C’est Sunhae Im qui, avec Eric Le Sage au piano, offre un récital des plus romantiques avec « L’Amour et la vie d’une femme » de Robert Schumann et quatre lieder de Clara Schumann. Toute de finesse et de douceur, l’une des voix préférées de René Jacobs donne vie et chair à chacune des pièces avec précision et couleur. Bénéficiant d’un accompagnement complice et délicat, la soprano captive son auditoire et n’a aucun mal à faire vibrer les sentiments. Joie, amour, tristesse : le romantisme roi. Entre deux plages lyriques, le pianiste enchantera la petite centaine de spectateurs présents avec un somptueux Nocturne n°6 de Fauré(1), auquel il donnera toute son émotion, et le Blumenstück de Robert Schumann.
 
En fin d’après-midi, sous les voûtes de l’église Saint-Michel, Oscar Bohórquez (photo) a décidé d’honorer Bach en donnant ses trois Sonates pour violon seul. A cette occasion, l'ancien élève d'Aaron Rosand voit sa prestation gratifiée d’une standing ovation, une première, nous a-t-on dit, pour cette édition du festival. Il faut dire que la technique du musicien est grande et qu’avec virtuosité et sensibilité il a su relever les multiples défis proposés par le Cantor. Un moment dense, spirituel et lumineux.
 

Salut final du 27e Festival © Serge Miclo

L’ultime soirée de la 27ème édition était conçue comme le bouquet d’un feu d’artifice musical. Près de trois heures de concert dans la cour de l’Empéri où une brise légère rendait enfin l’atmosphère respirable. La fête débutait en compagnie du Quatuor Mona ; quatre jeunes femmes (Verena Chen & Roxana Rastegar, violon ; Arianna Smity, alto ; Caroline Sypniewski, violoncelle) qui ont signé un Quatuor en sol majeur op 77 n°1 de Haydn remarquable de dextérité et de sensibilité. Suivait la Sonate n°10 en sol majeur de Jean-Baptiste Barrière pour deux violoncelles, une rareté interprétée avec attention par les archets de Claudio Bohórquez et Aurélien Pascal. Pour terminer la première partie, le Quintette pour piano, hautbois, clarinette cor et basson de Mozart était servi par Paul et François Meyer, Gilbert Audin, Jimmy Charitas et Théo Fouchenneret ; ici aussi une pièce peu jouée, la seule composée par le salzbourgeois pour une telle formation. Du Mozart pur sucre interprété avec joie et complicité par les cinq instrumentistes. Mais la grande découverte de la soirée, aura été le Thème et variations pour flûte et quatuor à cordes op. 80 de l’Américaine Amy Beach (1867-1944) par Emmanuel Pahud et le Quatuor Mona. Une œuvre solidement construite, aux accents orientaux et aux dialogues riches entre la flûte et les cordes – beau moment de musique. La conclusion est revenue au Nonette en fa majeur op. 31 de Louis Spohr, partition méconnue qui fait la part belle au violon, joué ici avec élégance par Karen Gomyo. Une lumineuse et pétillante manière de tirer le rideau sur un festival de musique de chambre qui mérite d’être découvert.
 
Michel Egéa

(1) Fauré dont Eric Le Sage a récemment signé une belle intégrale des treize Nocturnes (Alpha 414)

Salon-de-Provence, Abbaye de Sainte-Croix, église Saint-Michel, Château de l’Empéri, 5 août 2019

Photo © Aurélien Gaillard

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