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Elisabeth Leonskaja, Thomas Dausgaard et l’Orchestre de chambre de Paris au théâtre des Champs-Elysées – Au-dessus de la mêlée – Compte-rendu

Il avait fait forte impression à l’Orchestre de chambre de Paris en janvier 2022 dans un programme mêlant classicisme et néoclassicisme.(1) Thomas Dausgaard retrouve l’OCP et le Théâtre des Champs-Elysées avec Mozart, Mendelssohn et, chose plus rare, Honegger. L’Orchestre de chambre de Paris fait rayonner de plus en plus fréquemment les grandes pages musicales du XXe siècle (il donnera d’ailleurs bientôt Sonntag aus Licht de Stockhausen).

C’est donc avec l’intrigant Rugby d’Arthur Honegger que s’ouvre le concert. Dans une réorchestration de Gérard Pesson, conçue spécialement pour l’OCP, les musiciens font là un clin d’œil à la Coupe du Monde. Malgré la sortie des Bleus quelques jours auparavant, l’orchestre n’est en rien défaitiste lorsqu’il s’attaque à cette pièce de 1928 (créée la même année sous la baguette d’Ansermet). La ferveur gagne les différents pupitres et le plaisir se répand parmi le public. Fidèle à la partition, Pesson a sobrement arrangé pour l’effectif de l’OCP le 2Mouvement symphonique d’Honegger. Resserré, Rugby conserve toute sa nervosité et sa tension : les rebonds entre les cordes sont intacts et les élans savamment contrôlés. On se met alors à regretter l’absence de cette pièce dans les programmes.
 

Elisabeth Leonskaja © Marco Borggreve

Puis c’est au tour d’Elisabeth Leonskaja de rejoindre le piano pour le Concerto n° 9 « Jeunehomme » de Mozart. Le plaisir de jouer cette musique se lit instantanément sur son visage. Elle connaît le compositeur sur le bout des doigts (et a d’ailleurs récemment signé une remarquable intégrale des Sonates chez Warner Classics). Dès le premier mouvement, la pianiste déploie une riche palette de contrastes et de nuances. L’Andantino répond à nos espérances : beauté et émotion se rejoignent pour ne former qu’un. Enfin, le Rondo apparaît, doucement, dans un tempo plus lent, plus sage qu’à l’accoutumée, mais la pianiste peut s’appuyer sur l’orchestre pour montrer vivacité et intensité. Après l’envolée finale, c’est une évidence : Elisabeth Leonskaja garde tout ce qu’il faut d’espièglerie pour interpréter cette musique.
 

© OCP 

La soirée se poursuit dans un climat plus sombre avec la 3e Symphonie en la mineur op.56 « Ecossaise » de Felix Mendelssohn. Résultat d’une gestation de plus de dix ans, l’ouvrage, créé en 1842, traduit « l’ambiance de brumes écossaises ».  Thomas Dausgaard est imprégné de tout son être par cette musique au point de diriger sans partition. Très solennel, le premier mouvement fait rapidement ressortir des accents romantiques passionnés (mention spéciale au valeureux violoncelle de Benoît Grenet !). Très attendu avec son thème populaire, le Vivace souligne la grande forme de l’orchestre. Dans l’Adagio, les pizz des cordes rythment un discours solide. Enfin, la petite harmonie piaffe et dialogue avec bonheur dans le finale. D’une battue aussi sobre qu’efficace, le chef danois trouve toujours la puissance et la grandeur requises par la Symphonie en la mineur. Il peut aussi compter sur le violon solo de Deborah Nemtanu, encore et toujours impressionnante, pour emmener la formation sur les sentiers écossais – avec un bel esprit d’équipe !

Prochain rendez-vous de l’Orchestre de chambre de Paris : Sonntag aus Licht de Stockhausen à la Philharmonie de Paris (16 et 17 novembre), au côté du Balcon, sous la direction Maxime Pascal. Puis le 23 novembre au Théâtre des Champs-Elysées, avec Matthias Pintscher, dans un programme Fauré, Mozart, Beethoven.
 
Marion Guillemet

 

(1) https://www.concertclassic.com/article/jonathan-fournel-thomas-dausgaard-et-lorchestre-de-chambre-de-paris-premieres-rencontres
 
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 novembre 2023
 
Photo © OCP

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