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Edwin Fardini, Eva Zavaro et Juliette Journaux à l’Ecuje – Affaire Posa : une pièce supplémentaire au dossier – Compte-rendu

 
L’affaire prend de l’ampleur ... Jauge réduite oblige, ils étaient peu nombreux, le 22 novembre dernier, au sortir du salon de musique de la Bibliothèque La Grange-Fleuret, peu nombreux mais tous proprement « sonnés » par la beauté – et la portée historique – des pages qu’ils venaient de découvrir : une sélection de lieder d’Oskar Posa (1873-1951), jusqu’alors aussi oubliés que leur auteur, magistralement révélés par le baryton Edwin Fardini et la pianiste Juliette Journaux. Depuis, le bouche-à-oreille a fait son œuvre et le public était au rendez-vous à l’Ecuje (Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe), rue La Fayette, pour un nouveau programme Posa. Parmi les auditeurs massés dans une salle pleine à craquer – l’éclairage à la bougie lui donnant des airs de société secrète ... –, d'aucuns espéraient pouvoir se procurer l’enregistrement dont nous vous annoncions la sortie en novembre dernier. (1) Il faudra attendre encore un peu.
 

Edwinb Fardini et Juliette Journaux © Olivier Lalane
 
Chercheur et producteur, à l’origine de la redécouverte d’Oskar Posa, Olivier Lalane a préféré différer de quelques mois la sortie du double album afin de disposer du temps nécessaire pour finaliser le riche appareil documentaire qui l’accompagnera. Le concert à l’Ecuje n’aura en tout cas pu qu’aviver l’impatience de ceux qui avaient déjà eu le bonheur de goûter à la musique de Posa. La sélection de lieder (où l’on retrouve des pages déjà données à la BLFG, dont trois des Soldatenlieder op. 8, de 1911, que l’on rêverait d’entendre dans leur version orchestrale) confirme que le compositeur autrichien se range parmi les maîtres du genre au début du dernier siècle et qu’il tient sans aucun mal la comparaison avec un certain ... Gustav Mahler.
 
D’extraits de l’Opus 1 (1899) à Mondlicht issu de l’Opus 12 (1911) –  et au délicieux Handkuss en bis ! – la bonne douzaine de lieder offerts par Edwin Fardini et Juliette Journaux illustrent l’intelligence poétique du musicien et une conception particulièrement originale de la relation voix / piano où le chant fait figure de prolongement de parties de clavier d’une complexité rare. Quant à Fardini, on a une fois de plus été saisi par la longueur et la richesse de sa voix. Et par une intelligence musicale au service du caractère de partitions d’une intensité souvent opératique.
 

Juliette Journaux et Eva Zavaro © Philippe Bouvet
 
Grâce au rendez-vous à l’Ecuje, une nouvelle pièce est venue s’ajouter au dossier Posa : la Sonate pour violon et piano op. 7. Une composition élaborée entre 1899 et 1901, dédiée à Edvard Grieg, dont on sait que la partie de piano, d’une difficulté proprement effroyable, donna des sueurs froides à un virtuose du calibre de Julius Röntgen ...
Et Juliette Journaux de nous subjuguer une fois de plus par l’autorité et la plénitude orchestrale d’un jeu qu’y n’en demeure pas moins toujours attentif au dialogue avec le violon radieux d’Eva Zavaro (photo). Les deux artistes ont déjà « mis en boîte » l’Opus 7 (qui figurera dans l’enregistrement annoncé, en compagnie de lieder et de l’unique quatuor à cordes de l’Autrichien, confié au Quatuor Métamorphoses) ; on comprend mieux dès lors l’aisance avec laquelle elles se meuvent dans cet ouvrage.
Une coupe traditionnelle en trois mouvements certes, mais un véritable océan de musique dans lequel les deux interprètes se lancent à corps perdu, sachant dompter l’énergie et la dimension obsessionnelle de l’Allegro moderato, ma molto appassionato, autant que l’intensité lyrique de l’Andante maestoso où le violon est présent, espressivo, dès la première note, porté au départ par de grands accords arpégés du clavier. Un Allegro molto conclut, admirablement tenu par Eva Zavaro et Juliette Journaux, jusqu’à sa conclusion Presto assai, un rien déroutante.
Mémorable création française d’une partition surabondante – mais nullement bavarde – que le disque et plusieurs écoutes permettront d’appréhender dans toute sa séduisante complexité.
 
Alain Cochard
 

(1) CR du concert du 22 novembre à la BLGF : www.concertclassic.com/article/edwin-fardini-et-juliette-journaux-interpretent-oskar-posa-la-bibliotheque-la-grange-fleuret
 

Paris, Ecuje, 26 mars 2022

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Photo © Mathias Benguigui Pasco & Co

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