La Zauberflöte, le premier opéra allemand ? Non, le Freischütz ! Car si Mozart écrivit le premier ouvrage lyrique sur un texte en langue germanique, Weber inventa l’opéra allemand, inséparable du romantisme qui en 1821, alors que les spectateurs du Königliches Schaupielhaus de Berlin voyait paraître Der Freischütz, avait envahi les lettres et donnait aux compositeurs un nouvel élan. Weber le premier, par le sujet pastoral teinté de fantastique, fit entrer tous les visages de ce renouveau littéraire sur la scène de l’opéra. Le Freischütz ouvrait la voie à un nouveau théâtre lyrique, délivré de l’emprise des Italiens, inventant en fait totalement l’opéra allemand, ce que le public compris dès la création. L’œuvre n’a depuis plus quitté les scènes lyriques et pas seulement outre-Rhin, son style est délicat et a trop souvent été alourdi depuis que les interprètes wagnériens se la sont appropriée.

C’est dire à quel point on est curieux de la lecture historiquement informée qu’en proposeront Thomas Hengelbrock (1) et son Orchestre symphonique du NDR Hambourg. Rendre à cet orchestre profond mais léger les ombres mozartiennes qui y paraissent encore, en modeler les textures, rendre le fantastique de la scène de La Gorge aux Loups sans le plomber d’effets inutiles, et respecter les valeurs rythmiques des parties chantées, trop souvent dévoyées par un lyrisme générique : on devrait voir enfin le vrai visage de cet opéra fondateur.

Surprise, Véronique Gens (photo), après ses incursions chez Mozart, se risque à Agathe. Son Max lui est idéalement apparié de timbre : Nikolai Schukoff sait tout d’un personnage dont il a appris les fragilités sous la direction d’Olivier Py. Christina Landshamer pour Annette, c’est grand luxe, tout comme le Gaspard de Dimitry Ivashcheno ou l’Ermite de Franz-Josef Selig. Gageons que cette troupe suppléera à l’absence de mise en scène.

Jean-Charles Hoffelé

Weber : Der Freischütz (version de concert)
Paris – Théâtre des Champs-Elysées
14 septembre 2015 – 20h
www.theatrechampselysees.fr

Photo Véronique Gens © Alexandre Weinberger VirginClassics