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Coup de cœur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - Sous le signe de Beethoven - Une interview de Cédric Tiberghien

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« Un compagnon de voyage » dit Cédric Tiberghien de Beethoven. Il y a une bonne décennie un programme de Variations de Beethoven (1), incluant en particulier des Eroica de haut vol, soulignait les affinités d’un pianiste au ton aussi poétique qu’énergique et direct avec l’univers du compositeur allemand. Une musique avec laquelle Tiberghien a grandi et qu’il retrouve en compagnie de l’Orchestre national d’Ile-de-France et Enrique Mazzola à l’occasion du démarrage d’une intégrale des 5 Concertos, les 22, 23 et 25 janvier (à Epernay, Paris et Yerres). Un peu avant qu’il ne s’empare du lumineux Concerto n°1, on aura pu l’entendre en musique de chambre au Théâtre des Champs-Elysées, le 20 janvier, dans un programme Beethoven/ Schubert avec la violoniste Alina Ibragimova, partenaire de prédilection s’il en est. Ne manquez pas ces rendez-vous : contrepartie d’une très active carrière internationale, Cédric Tiberghien est trop rare sur les scènes françaises. Ses apparitions n’en sont que plus précieuses et impatiemment guettées.

Vous commencez bientôt votre intégrale des Concertos de Beethoven avec l’Orchestre national d’Ile-de-France et Enrique Mazzola : comment s’est mis en place ce projet qui prend la forme d’une « résidence » ?

Cédric Tiberghien : Il y quelques années déjà, en 2006, j’avais eu l’occasion de collaborer avec Enrique Mazzola pour le Concerto n°2 de Beethoven ? Je m’étais très bien entendu avec ce chef, tant sur le plan humain que musical – la façon d’approcher le travail avec l’orchestre, de trouver la couleur et l’énergie beethovéniennes. Au moment de sa nomination au poste de directeur musical de l’Orchestre national d’Ile-de-France, Enrique Mazzola m’a proposé d’entreprendre l’intégrale de cette pierre angulaire du répertoire que sont les Concertos de Beethoven ; un projet qui s’étalera sur quatre saisons. Nous commençons avec le Concerto n°1 : j’aime énormément cet ouvrage, il possède la joie, l’envie d’avancer, la virtuosité, le désir de faire bouger les choses – ce qui est aussi l’état d’esprit d’Enrique alors qu’il entame son mandat à la tête de l’Orchestre national d’Ile-de-France.

Parlez-moi de votre relation avec les 5 Concertos et avec la musique de Beethoven d’une manière plus générale.

C. T. : J’ai en fait commencé ma vie de concertiste avec Beethoven : la première œuvre que j’ai jouée avec orchestre était… la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre. Avouez que ce n’est pas commun. Mon professeur, Frédéric Aguessy, m’avait trouvé ce concert. Il s’agissait d’un orchestre et d’un chœur amateurs, mais c’était mon premier concert avec orchestre. Quoi qu’il arrive ce sont des choses qui marquent un parcours. Durant mes années de Conservatoire j’ai appris les 5 Concertos. En Angleterre, à l’époque où je participais au programme « New Generation Artists », j’ai eu la chance de pouvoir tous les jouer pour la BBC.

Beethoven est un musicien qui m’a transformé. Autour de mes trente ans, j’ai eu le sentiment de passer de mon adolescence musicale à l’âge adulte, en jouant le 5 Concertos mais aussi les Sonates que j’ai intégralement données en récital. Beethoven a accompagné mon évolution ; il est un compagnon de voyage depuis toujours et les choses ne sont pas près de changer.

Vous sortez tout juste d’une séance de travail sur le 1er Concerto avec Enrique Mazzola : qu’appréciez-vous plus particulièrement dans la relation avec ce chef et dans son approche de la musique de Beethoven.

C. T. : Il a le souci de se plonger dans la partition et de s’y tenir. Il recherche beaucoup de transparence afin que l’on comprenne ce qu’apporte l’orchestration de Beethoven et refuse toute forme de « maquillage ». Il s’agira d’une approche très « classique » dans le sens où l’on aura travaillé sur le vibrato, sur l’équilibre entre les cordes et les bois, qui sont très solistes dans ce concerto ; d’une approche chambriste aussi. Le mot transparence est revenu souvent dans la conversation que nous venons d’avoir. Le texte de Beethoven est tellement riche ; aucun besoin d’en rajouter.

Un peu avant les trois concerts avec l’Orchestre national d’Ile-de-France, vous retrouvez Alina Ibragimova, le 20 janvier au Théâtre des Champs-Elysées, pour un Concert du dimanche matin. La violoniste est devenue l’une de vos partenaires de prédilection en musique de chambre. Comment s’est formé votre duo ?

C. T. : Alina Ibragimova faisait aussi partie de la «New Generation » de la BBC et, en 2005, nous avons eu l’occasion de jouer pour la première fois ensemble, avec un violoncelliste, dans le Trio de Ravel. Dès ce concert il y a eu une entente musicale immédiate et très naturelle. Je vous ai parlé de l’importance de la musique de Beethoven dans mon parcours : là aussi elle a compté. Quand j’ai commencé à travailler régulièrement avec Alina, les 10 Sonates pour violon et piano se sont vite imposées ; elles ont constitué le catalyseur, le ciment de notre duo. J’apprécie énormément le côté très brut et sans concession de ses interprétations : on va directement au cœur de l’œuvre. Cette collaboration m’a énormément apporté ; nous avons enregistré les Sonates de Beethoven pour le label Wigmore Hall Live(2), mais aussi des œuvres de Schubert, à paraître dans quelque temps. Lorsque je joue avec Alina, j’ai parfois le sentiment que c’est ma propre pensée musicale qui s’exprime à travers elle ; c’est une situation très privilégiée.

Quel programme avez-vous choisi pour votre concert du 20 janvier au TCE ?

C. T. : Beethoven justement, et Schubert. Nous commençons avec la 10ème Sonate : une œuvre extrêmement aboutie et poétique qui présente un rapport violon/piano très intéressant. Et puis cet Adagio espressivo… ; sans doute l’un des plus beaux mouvements lents de Beethoven. Nous jouerons par ailleurs la Fantaisie en ut majeur de Schubert, que nous venons d’enregistrer et que nous interpréterons à nouveau le 31 janvier à Londres lors d’un récital Schubert au Wigmore Hall. Elle complète idéalement la lumineuse 10ème Sonate de Beethoven. Je connaissais déjà cette Fantaisie, mais c’est en me remettant à la travailler, à l’approfondir que j’ai pris toute sa mesure : c’est vraiment l’une des très grandes inspirations de Schubert.

Vers où vous envolez-vous après ces concerts parisiens ?

C. T. : Après Londres, je serai à Seattle en février pour jouer la Symphonie concertante de Szymanowski sous la direction de Ludovic Morlot, directeur musical du Seattle Symphony. Ça va être une très belle expérience ; je rêve de jouer cette œuvre depuis des années, c’est une partition incroyable qui mérite d’être défendue au même titre que les concertos de Bartok ou de Ravel - un vrai chef-d’œuvre.

Des projets discographiques ?

C. T. : Du Szymanowski : en mars j’enregistre pour Hyperion un programme comprenant Masques, Métopes et les Etudes op 4 et op 33.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 14 janvier 2013

(1) 1CD Harmonia Mundi HMC 901775

(2) 3 CD séparés WHLIVE 0036 / 0041 / 0045 (dist. Codaex)

Orchestre National d’Ile-de-France, dir. Enrique Mazzzola

Cédric Tiberghien, piano

Œuvres de Panufnik, Azarova, Beethoven et Tchaïkovski

22 janvier 2013 – 20h30

Epernay – Le Salmanazar

23 janvier 2013 – 20h

Paris-Salle Pleyel

25 janvier – 20h30

Yerres – CEC-Théâtre

Cédric Tiberghien et Alina Ibragimova

Œuvres de Beethoven et Schubert

20 janvier 2013 – 11h

Théâtre des Champs-Elysées

Site du Wigmore Hall : www.wigmore-hall.org.uk

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Photo : Benjamin Ealovega

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