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Compte-rendu : Tempête sur un crâne… Faust de Fénelon au Palais Garnier

En prenant pour Leitmotiv de sa mise en scène du Faust de Philippe Fénelon un crâne tout au long des deux actes, le décorateur Pet Halmen ne se doutait sans doute pas qu’il portait là un coup fatal à cet opéra en allemand créé au Capitole de Toulouse en mai 2007. Inspiré non par le chef-d’œuvre de Goethe, mais par un poème de l’Autrichien Lenau, l’ouvrage tient déjà en lui-même plus de l’oratorio philosophique ou du discours sur les fins dernières qu’il ne ressortit au théâtre musical. Alors, si aucune mise en scène digne de ce nom ne vient au secours du public, celui-ci porte désespérément son regard sur le défilé des surtitres comme vers une bouée de sauvetage. Voilà qui ne favorise guère la jubilation esthétique…

Et pourtant, il y a des pages superbes dans ces deux heures de musique. Fénelon sait écrire certes, et dans tous les styles - c’est bien là son problème - mais on aimerait au-delà de tous ces pastiches et de ces « à la manière de » Berg, Richard Strauss, Moussorgski ou Prokofiev, entendre enfin à quoi ressemble le style de Fénelon ! A 58 ans, il serait temps. Pourquoi se cacher ? On en devine les prémisses dans les interludes qu’il place entre les tableaux comme dans Wozzeck ou Pelléas et Mélisande. A noter qu’à la première parisienne, ils n’ont pas suffi à couvrir les voix des responsables de scène en butte à des décors récalcitrants…

Ce Faust n’est pas la seule pièce du répertoire difficile à monter : pour rester dans le contemporain immédiat, il en va de même du Faustus last night de Pascal Dusapin. Mais c’est aussi le cas de La Damnation de Faust de Berlioz ou du Saint François d’Assise de Messiaen : le cinéma comme la technologie moderne permettent d’animer ces longs discours. Le cas de Fénelon n’est donc pas désespéré. Mais disséquer un cadavre au sommet d’un crâne qui se transforme en une forge un peu plus tard est une vraie gageure qu’on n’est pas forcé d’imposer aux interprètes… Ceux-ci ont bien du mérite.

Quatre des protagonistes ont chanté à la création au Capitole en 2007 : le ténor allemand Arnold Bezuyen dans le rôle-titre dont il a perdu quelques aigus stratosphériques tout comme la Reine de la nuit de ce Faust, Karolina Andersson (Annette). Le Méphistophélès du baryton Robert Bork comme le Görg du ténor Gilles Ragon ont mieux supporté le voyage. Quatre nouveaux venus se sont bien intégrés à l’ensemble : la basse Gregory Reinhard, Wagner, le baryton Bartlomiej Misiuda, Le Forgeron, le ténor Eric Huchet, Le Capitaine, et la soprano Marie Adeline Henry, Princesse et forgeronne. Merveilleusement à l’aise dans ce kaléidoscope stylistique, le chef Bernhard Kontarsky tient impeccablement son plateau comme sa fosse.

Jacques Doucelin

Fénélon : Faust - Palais Garnier, le 17 mars, puis le 20, 23, 29 et 31 mars 2010

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Photo : Opéra national de Paris/ Mirco Magliocca
 

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