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Vivaldi & Venise - Une "partition stratégique" : l'Olimpiade de 1734

Vivaldi à Venise tente de résister à la déferlante du goût napolitain. C'est ainsi que l'on pourrait résumer l'action spécifique du musicien dans la Venise du premier tiers du XVIIIe siècle. Le chef italien, Rinaldo Alessandrini vient illustrer ce phénomène par l'exhumation d'une partition oubliée, l'opéra "L'Olimpiade" créé en 1734 au théâtre San Angelo. Dans ce combat de David contre Goliath, c'est un peu comme si se jouait la défense de la singularité locale contre l'impérialisme du goût dominant. Le sauvage et combatif Antonio Vivaldi qui compose son premier opéra à l'âge de trente cinq ans, s'épuise à lutter contre le style officiel labellisé par le poète Métastase : l'opera seria s'impose alors sur toutes les scènes de Vénitie sous l'action des compositeurs napolitains et dans la conception poétique que le grand écrivain et son cercle très introduit auprès des Grands impose peu à peu sous le masque de la clarté et de l'éloquence.

Le vénitien qui s'est déjà fait plusieurs ennemis dans la place, le richissime lettré et musicien, Benedetto Marcello en tête, demeure personna non grata au sein du sanctuaire "napolitain" à Venise, le théâtre San Giovanni Grisostomo. Aucun de ses opéras n'y est souhaité. Avec "L'Olimpiade", il frappe un grand coup qui lui permet de renouveler sa situation à Venise.

La démarche de Rinaldo Alessandrini lors de son enregistrement chez Opus 111 a démontré l'enjeu de cet opéra créé à Venise à une époque où le style de Vivaldi ne remplit plus les salles de la Cité. En choisissant un livret de Métastase, Vivaldi "s'attaque" à la mode napolitaine qui sert le nouvel esthétisme de l'opéra seria. A Venise où il fut tant décrié, cette "Olimpiade" lui apporte un bref répit par lequel il apporte la preuve de son génie ininterrompu, capable de s'approprier la poétique métastasienne, de sa capacité à toujours reprendre la conception de son écriture dramatique et vocale.

Le succès fut tel qu'il recevra d'ailleurs une commande des Grimani, le clan patricien, propriétaire du teatro San Griso stomo, et promoteur des compositeurs napolitains à Venise : ils offraient à Vivaldi en mai 1735, l'occasion de récidiver en créant sa "Griselda" dans leur autre théâtre, San Samuele. Ainsi avait réussi un compositeur refusé, heureux d'avoir gagné l'estime de ses compatriotes.

Alexandre Pham

Photo : David Tonnelier
 

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