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​Trois questions à Arcadi Volodos – « Changer c’est aussi la beauté de la vie »

 
Arcadi Volodos est un artiste rare. Rare au disque et en concert. Le récital qu’il donnera le 1er février à la Philharmonie de Paris, dans le cadre de la saison Piano ****, s’annonce donc comme un événement. Questions à un interprète hors du commun
 
Vous donnez très peu de concerts et vous enregistrez assez peu. Pourquoi ?

En effet je ne donne pas plus de quarante concerts par an, sauf au début de ma carrière où je me produisais beaucoup plus. La vie effrénée de concertiste est déprimante. Ce n’est pas nourrissant. Pour bien jouer, j’ai besoin de périodes de solitude, de tranquillité, de récupération. Il me faut longtemps être dans le silence. Être avec ma famille, passer du temps avec ma fille, tout cela compte beaucoup pour moi.  S’agissant du disque, on en fait tellement aujourd’hui que cela devient presque inutile. Pourquoi faire la 500e interprétation de telle œuvre ? La situation était différente il y a cinquante ans. C’est aussi pour cela que je préfère le concert au disque. Le concert est pour moi comme une liturgie, pas un divertissement. J’espère transmettre quelque chose à l’âme, au cœur du public. Je me sens comme un médium.
 

© Marco Broggreve

On vous a longtemps présenté comme un pianiste virtuose. Cela vous inspire quoi ?

Le vrai virtuose doit arriver à faire oublier la virtuosité.  Il faut que le public se concentre sur la musique, pas sur la technique. Quand Franz Liszt veut faire entendre une tempête dans Vallée d’Obermann, le public doit voir cette tempête et avoir peur. La musique doit devenir une image, sinon c’est raté.

Quelques mots sur votre programme du 1er février ; Schubert et Schumann ...

Le problème c’est que l’on me demande de choisir un programme un an à l’avance. Et moi je ne sais pas ce que j’aurai envie de jouer ce jour-là. Donc il m’arrive de changer une partie du programme. Parfois je donne les noms des compositeurs, sans préciser quelles œuvres je vais jouer. Et quand j’ai choisi le programme, c’est toujours compliqué pour moi d’en parler. Je vis avec ces morceaux pendant des mois ; ils font partie de ma vie. Votre question me fait penser à ce que disait Sviatoslav Richter : « la musique est écrite pour être jouée et écoutée et m'a toujours semblé être en mesure d'être dirigée sans paroles ». Je suis d’accord avec lui. En fait, c’est plus simple pour quelqu’un qui m’écoute que pour moi d’en parler. Je le redis, c’est très difficile de formaliser ce que l’on ressent. Chacun a son ressenti et moi-même je change chaque jour. C’est pour cela que c’est intéressant de retourner à des pièces après quelques années. Quand j’écoute un de mes enregistrements faits il y a quinze ans, j’ai l’impression que c’est une autre personne. Il n’y a rien en commun. C’est comme l’eau et l’huile d’olive. Changer c’est aussi la beauté de la vie ...
 
Propos recueillis par Thierry Geffrotin le 14 janvier 2022

1er février 2022 – 20h30
Schubert : Sonate D. 850 / Schumann : Scènes d'enfantsFantaisie op.17
Paris – Philharmonie
www.piano4etoiles.fr/production/arcadi-volodos-2/
 
Photo © Marco Borggreve

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