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Thomas Hengelbrock inaugure la saison de l’Orchestre de chambre de Paris – Faire vivre chaque note – Compte-rendu

 
L’Orchestre de chambre de Paris entame une saison 2023-2024 sans directeur musical ; une période de transition qui a pour objectif de choisir avec le plus de discernement le successeur du regretté Lars Vogt ; décision qui dépendra largement de la qualité de la relation que tel ou telle aura su établir avec une formation dont l’image et le niveau ont profondément évolué au fil des ans. Le temps du si mal nommé Ensemble Orchestral de Paris, qui faisait figure de formation de seconde zone (au mieux) parmi les phalanges parisiennes, est définitivement révolu. Rajeuni, mu par un palpable enthousiasme collectif, l’OCP est désormais un orchestre de premier ordre. Il a démarré la saison en beauté en recevant l’une des meilleures baguettes allemandes d’aujourd’hui, Thomas Hengelbrock (photo), dans un programme tout entier occupé par le répertoire germanique.
 
Avec l’ouverture de Ruy Blas de Mendelssohn, le maestro, longue silhouette dressée à même la scène devant ses instrumentistes, donne le ton. C’est tout le premier romantisme allemand qui s’exprime sous sa baguette. Et comment ! : la musique raconte, donne à voir, avec une intensité formidable, une justesse de coloris idéale, une vie intérieure du tissu musical que, franchement, on entend rarement poussée à ce degré d’intelligence poétique. 
 

Jean-Guihen Queyras © Marco Borggreve

Le Concerto pour violoncelle de Schumann, avec Jean-Guihen Queyras à l’archet, ne sera pas en reste à cet égard. Le soliste peut compter sur une baguette complice et attentive, et signe une interprétation tour à tour fiévreuse, tendre, étonnée, fantasque, profondément chambriste dans tous les cas. Pas question pour Queyras de s’installer dans le confort émollient du beau son (auquel l’Opus 129 incite parfois) ; son archet est continûment en éveil, aux aguets, en communion avec l’orchestre : quel bonheur que l’échange avec le violoncelle poète de Benoît Grenet (que l’on aimerait un jour entendre en concerto à l’OCP ...). Le bonheur se prolonge en bis avec une mélodie ukrainienne enchaînée à la Sarabande de la Suite  BWV 1008 de Bach. 
 
La 9e Symphonie « La Grande » de Schubert occupe la seconde partie, une partition qui peut facilement prendre un caractère empesé lorsque de mauvais tempi la lestent. La justesse des options du chef en la matière lui fournit la clef d’une interprétation remarquablement allante et pleine de relief. Rien de brouillon toutefois, bien au contraire, sous une battue qui parvient à donner vie à chaque note, à chaque fibre du tissu musical, sans pour autant verser dans la maniaquerie du détail. Et quel style : sa manifestation n’a rien de ces recettes que d’aucuns appliquent en mode regardez-comme-je-sais-bien-faire, mais s’exprime par une conscience aiguë, fraternelle, de la beauté renaissante – par la magie de l’interprétation.
 
Notez sur vos tablettes la prochaine venue à l’OCP de Maxim Emelyanychev, dans un programme Mendelssohn (la « Réformation ») et Saint-Saëns ( le Concerto pour violon n° 3 par Aylen Pritchin) le 12 octobre, et celle de Thomas Dausgaard le 18, pour Rugby d’Honegger (arrangé par Gérard Pesson ! ), l’ «Ecossaise » de Mendelssohn et le 9Concerto "Jeunehomme" de Mozart avec Elisabeth Leonskaja. Emelyanychev et Dausgaard : deux chefs dont les prestations à l’OCP la saison dernière ont laissé d’excellents souvenirs. Entre temps, on aura pu retrouver l’éclectique formation dans la fosse du Comique (du 27 septembre au 5 octobre) sous la baguette d’un autre artiste avec lequel le courant passe, Hervé Niquet, pour La Fille de madame Angot de Lecocq.
 
Alain Cochard

 

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 19 septembre 2023 // www.orchestredechambredeparis.com/
 
Photo © Florence Grandidier

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