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​Tanguy de Williencourt en récital à la Scala-Paris – Franck en majesté

 
 
Le second confinement fut une période faste pour l’enregistrement en studio, ce que qui explique la « pluie » de nouveautés discographiques qui tombe en abondance depuis le début de l’année. Difficile pour le chroniqueur de trouver le temps nécessaire pour toutes les découvrir sérieusement. Dans ces conditions, quel meilleur test favorable pour un nouvel enregistrement que le besoin que l’on éprouve, malgré la « file d’attente », d’y revenir plusieurs fois. L’album César Franck de Tanguy de Williencourt (1) est de ceux-là ; programme original partagé entre les deux grands triptyques pour piano seul, l’un plus que célèbre (Prélude, Choral et Fugue), l’autre, non moins inspiré mais trop rare en récital (Prélude, Aria et Final), et les deux réalisations pour piano et orchestre de la maturité du musicien liégeois, au succès inégal là encore : les fameuses Variations symphoniques et Les Djinns, génial poème symphonique avec piano pétri de poésie hugolienne, hélas pénalisé auprès des programmateurs – à la curiosité aisément effarouchée – par un format un peu trop court (13’ env.).
 

Une déjà riche discographie

La « crème » du piano franckiste a trouvé en Tanguy de Williencourt un interprète de premier ordre. Parmi les pianistes les plus complets qui se puissent imaginer (soliste de premier ordre, chambriste et, depuis peu, chef de chant à l’Opéra de Paris), l’ancien élève de Roger Muraro s’est fait connaître à ses débuts par une magnifique intégrale des transcriptions wagnériennes de Liszt (Mirare), servies par une jeu ample et richement timbré. Après le souffle romantique, c’est dans la miniature que l’artiste s’est distingué avec une intégrale des Bagatelles de Beethoven (Mirare) illuminée par la vitalité d’une approche toujours très caractérisée.
Reste que Tanguy de Williencourt est aussi un chambriste et un accompagnateur hors pair ; il l’a prouvé avec Bruno Philippe, dans une étonnante transcription de la Sonate « à Kreutzer » par Czerny en particulier ; au côté de Théotime Langlois de Swarte pour un très original album proustien (« Le concert retrouvé »)(2) ; sans oublier sa participation à un programme de raretés berlioziennes avec Stéphanie d’Oustrac (tous parus chez Harmonia Mundi).
 

Kristiina Poska © Kaupo Kikkas
 
Architecture et force spirituelle

Le sens du dialogue musical du pianiste s’illustre à nouveau au cours d'un disque Franck qui sera pour beaucoup l’occasion de découvrir la baguette de l’excellente Kristiina Poska à la tête de son Orchestre symphonique des Flandres (formation dont la cheffe estonienne assure la direction depuis 2019). En ouverture de programme, Les Djinns embarquent l’auditeur dans un univers empli de sombres images et de fièvre. C'est le point de départ d’un cheminement qui débouche au terme du programme sur la luminosité radieuse et apaisée du Prélude, Aria et Final, après des Variations symphoniques ardentes et épurées.
Dans les deux triptyques pour piano seul, outre la beauté de sa palette sonore, De Williencourt manifeste un magistral art de la construction et une intelligence musicale peu ordinaires. Pas une longueur, pas un temps mort ; tout fait sens : il n’est pas donné à tous les interprètes de parvenir, par-delà la dimension digitale, à une telle force spirituelle dans le volet conclusif de l’archi-rebattu Prélude, Choral et Fugue
 

© Jean-Baptiste Millot
 
Le défi de l’Opus 106

 
Pareille réussite ne peut que donner envie de retrouver Tanguy de Williencourt en public. Dès ce 12 mai (à 19h), il est l’invité de La Scala – dont le rôle précieux à Paris en tant que salle de moyen format se confirme jour après jour – pour un récital comprenant du Franck certes (le Prélude, Choral et Fugue), du Bach, transcrit par Siloti ou Hess et, last but not least, la Sonate « Hammerklavier ». Beethoven a été présent dès le commencement du parcours musical de l’interprète et l’on sait son profond attachement à cet auteur ; on s'impatiente de l’entendre se confronter à l’Opus 106.
 
Après une tournée au Brésil (São Paulo, Rio) avec Théotime Langlois de Swarte, Tanguy de Williencourt sera de retour en juin sur les scènes françaises, d’abord au musée d’Orsay, le 14, auprès du jeune baryton catalan Josep-Ramon Olivé (dans un programme Albéniz, Mompou, Magrané, Gerhard, Toldrá en lien avec l’exposition Gaudi). Juin sera d’ailleurs synonyme de mélodie et de lied pour le pianiste ; dès le 19 il partagera le Voyage d’hiver avec Edwin Crossley-Mercer au Festival de la Grange de Meslay, avant d’entamer un été à la fois soliste et chambriste, au côté de Bruno Philippe entre autres (ce dès le 1er juillet à Saint Germain en Laye.)
Mais pour l’heure, place à l’exaltant défi de la Hammerklavier !
 
Alain Cochard

(1) Mirare /MIR 598
 
(2) hwww.concertclassic.com/article/le-disque-de-la-semaine-streaming-20-avril-proust-le-concert-retrouve-par-theotime-langlois
 
Tanguy de Williencourt, piano
Œuvres de Bach/Siloti, Bach/Hess, Franck et Beethoven
12 mai 2022 – 19h
lascala-paris.com/programmation/tanguy-de-williencourt/
 
Calendrier des concerts de T. de Williencourt :
tanguydewilliencourt.fr/fr/concerts
 
Photo © Jean-Baptiste Millot

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