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​Saariaho, Combier, Dusapin et Giménez-Comas au Festival Présences - Esthétiques confrontées et conjuguées - Compte-rendu

Poursuivant sa quête des musiques d’aujourd’hui, entre créations et indispensables reprises d’œuvres actuelles, le Festival Présences de Radio France mène hardiment son chemin. Devant un public accouru en masse au Studio 104 de la Maison de la Radio, cette deuxième soirée confronte ainsi ces désormais classiques que sont Kaija Saariaho, la compositrice célébrée par cette édition du festival (1), et Pascal Dusapin, à des talents émergeants représentés par Jérôme Combier (1971) et Núria Giménez-Comas (1980). Pour des œuvres assez dissemblables, si ce n’est qu’elles font appel à des instruments solitaires ou en formation de chambre. En l’occurrence, violon, violoncelle et piano. Et une preuve, s’il en fallait, de la vitalité diverse de la création contemporaine.
 

© Anssi Karttunen © Irmela Jung
 
Frises, pour violon et traitement électroacoustique, est une pièce de Saariaho datée de 2011. Dans une esthétique séduisante qui expose une partie de violon d’une virtuosité échevelée sur fond de sonorités électroniques d’une simplicité transparente. Jennifer Koh, déjà appréciée dans le concert de la veille pour le non moins exigeant Graal Théâtre de la même Saariaho, distille une maîtrise transcendante de l’archet, au-dessus de l’impeccable réalisation informatique de Salomé Damien et Philippe Dao (Ina-Grm).
 
Succède Freezing Fields, pour violoncelle et piano, création mondiale et commande de Radio France à Jérôme Combier. C’est cette fois à Anssi Karttunen et Nicolas Hodges qu’échoient des parties solistes en regard, de violoncelle et de piano. Dans une transmission tout aussi transcendée, pour cette pièce brève d’une couleur impressionniste percée de traits percussifs. Et tout aussi séduisant.
 
Vient le tour de Pascal Dusapin, qui n’avait pas été programmé à Présences depuis 1999, avec Slackline. Il s’agit de la création française de cette œuvre étrennée l’an passé au Teatro Colón de Buenos Aires, qui retrouve le duo violoncelle et piano. Mais dans une facture tout autre. La pièce suit ainsi un parcours qui oscille au sein d’un vif-lent, dans une texture travaillée de la densité sonore qui ne se satisfait pas de prendre à rebrousse-oreilles. Dusapin se situe hors de la mêlée, échappant aux modes ou aux sautes d’humeur, pour viser à une manière de permanence. Puisse sa musique se conforter au-delà du temps dans cette permanence ! On le croirait aisément ici, tant les deux interprètes, ceux du moment musical précédent, s’investissent.
 
Puis, c’est la surprise ! Avec la création mondiale de …Et j’ai perçu ce vol étrange, de Núria Giménez-Comas (photo). Cette commande de Radio France, et plus précisément pour l’émission Alla breve, est dédiée Kaija Saariaho, comme de juste, et à Anssi Karttunen, notre violoncelliste à qui revient d’interpréter cette œuvre pour instrument solitaire. La jeune compositrice venue d’Espagne y délivre un réel talent, tout comme son transmetteur, qui nimbe ces dix minutes d’une poésie narrative, dont la virtuosité n’est pas exclue, changeante au cours de cinq parties théoriques mais au climat marqué. On a hâte de réentendre d’autres compositions signées de la même expressive musicienne.
 
La soirée se conclut sur autre œuvre de Saariaho, Light and Matter, datée de 2014 et en création française, qui réunit en trio nos valeureux interprètes. Après un début puissant, le violoncelle émerge des profondeurs pour se lier à un piano butinant et à un violon léger. Une œuvre lumineuse, écrite selon son auteur « en regardant les couleurs de Morningside Park » à Manhattan, dans un héritage renouvelé du courant dit « spectral » et bien représentative de l’inspiration foisonnante de la compositrice honorée par ce festival. Traduite à nouveau par l’excellence conjuguée de nos instrumentistes.
 
Pierre-René Serna

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(1) www.concertclassic.com/article/festival-presences-de-radio-france-2017-portrait-retrospective
 
Festival Présences – Paris, Studio 104 de la Maison de la Radio, 11 février 2017.
 
Photo Núria Giménez-Comas © nuriagimenezcomas.com

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