Journal

Paris - Compte-rendu - La surprise Argerich


La venue inattendue de Martha Argerich a suscité un engouement, Salle Pleyel, que le vénérable Orchestre de l’Académie Nationale de la Santa Cecilia de Rome, dirigé par son chef titulaire Antonio Pappano, n’aurait sans doute pas provoqué. Comme Bartoli aujourd’hui, Rostropovitch hier ou Horowitz naguère, sa présence quoiqu’elle fasse enflamme le public. A juste titre d’ailleurs tant son tempérament de pur sang semble se défier du temps qui passe. Ce n’est pas son exécution du Premier Concerto en ut majeur de Beethoven qui démontrera le contraire. Inutile d’insister sur sa technique pianistique innée (l’un de ses deux bis consacré à la Sonate en ré mineur K. 141 de Scarlatti est, à cet égard, stupéfiant d’aisance, d’articulation, de souplesse…) ni sur son aptitude à hypnotiser (Largo du concerto presque chopinien de ton) ou à conter une histoire au clavier. En revanche, ce jeu instinctif qui fait fi du style, plus physique qu’intellectuel, n’est pas sans brutalité (les attaques de l’Allegro con brio) ni accélérations subites surprenantes (Rondo-Allegro scherzando). A ce traitement, même les syncopes disparaissent au profit d’une énergie vitale déployée à tout va. Accompagnateur, le chef d’orchestre est au service de sa soliste sans manifester une subtilité excessive.

En début de programme, la pièce de György Ligeti intitulée Concert Românesc participe de cette époque où, isolé derrière le rideau de fer, le compositeur se contentait de reconstituer avec réussite une forme de folklore imaginaire. Antonio Pappano met du cœur à l’ouvrage comme dans l’exécution au premier degré de la Symphonie n°5, op 45 de Chostakovitch donnée en seconde partie. Cette œuvre d’un repentir feint, après la condamnation par Staline de l’opéra Lady Macbeth en 1936, demande davantage d’intensité émotionnelle et d’ampleur de vision (Largo). A gros traits, avec un entrain chevillé au corps, Pappano conduit ses excellents musiciens - sans doute peu familiers avec les états d’âme de cette musique - avec un enthousiasme somme toute superficiel. Les bis prouvent qu’il est davantage un chef d’opéra (Intermezzo de Manon Lescaut de Puccini) - et l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini paraît bien inconvenante après la Cinquième de Chostakovitch !

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 2 mars 2009

> Programme détaillé de la Salle Pleyel

> Lire les articles de Michel Le Naour

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles