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Orange - Compte-rendu : Ovation pour la Lucia de Patricia Ciofi



Seconde production présentée cet été aux Chorégies d’Orange, après Aida, Lucia di Lammermoor de Donizetti, réunissait deux des plus séduisants artistes de notre temps, la soprano italienne Patrizia Ciofi (photo ci-contre) et le ténor mexicain Rolando Villazon . On connaît la magie de ce théâtre antique à ciel ouvert et à la très belle acoustique, ainsi que sa monumentalité, et l’on craignait que la voix de la cantatrice ne se perde dans cette immensité. C’était sans compter sur sa résistance technique, sa hardiesse vocale et sa conviction scénique qui lui ont permis de remporter une ovation amplement méritée à l’issue de la célèbre « Scena della pazzia », malgré un contre-mi bémol incertain.

Pari tenu donc, pour Patrizia Ciofi qui débutait à Orange et qui, en affrontant Lucia, qu’elle fréquente depuis plusieurs années, dans de telles conditions, n’a pas manqué d’offrir au public une remarquable prestation. Son portrait tout en délicatesse et en émotion de l’héroïne imaginée par Walter Scott, écartelée entre passion et résignation, a non seulement répondu aux critères esthétiques du bel canto romantique (sfumature délicates, ornementation choisie, legato serein, rubato impeccable…), mais également fait preuve de personnalité, grâce à une approche où cohabitent très intelligemment tradition et modernité, références au passé et sensibilité contemporaine. Neuf ans après la terne Kathleen Cassello, interprète peu crédible de Lucia sur ce vaste plateau, Ciofi restera dans les mémoires, même si le confort d’un théâtre fermé convient davantage à son profil vocal.

Fatigué par une saison harassante, Rolando Villazon a déçu en Edgardo, cherchant sa voix, courant après son timbre et ses harmoniques, le ténor a économisé ses forces pour parvenir intact au troisième acte. Attendu dans la grande scène du tombeau, il n’a pu se montrer à la hauteur de sa réputation que dans le court « Fra poco a me ricovero » et a conclu l’opéra sans l’éclat que nous lui connaissons. Cet avertissement ne doit pas être pris à la légère. Roberto Frontali (Enrico) et Roberto Scandiuzzi (Raimondo) se sont contentés de remplir leur contrat, chantant leur partie respective sans y croire et avec une désinvolture déplaisante, tandis que Marie-Nicole Lemieux, curieusement sous-employée, prêtait sa large voix à la discrète Alisa, sous la battue sage, empesée et finalement ennuyeuse de Marco Guidarini, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice.

Que dire enfin du spectacle archi conventionnel réalisé par Paul-Emile Fourny pour être suivi par des milliers de personnes et retransmis en direct à la télévision française (France Télévision) ? Peu de chose, si ce n’est que ce festival n’a jamais été un haut lieu de la mise en scène ou de l’expérimentation théâtrale, mais une manifestation populaire où priment avant tout la musique et le chant. Rendez-vous l’an prochain avec deux titres : Il Trovatore de Verdi, absent depuis 1992 , et Madama Butterfly de Puccini.

François Lesueur

Chorégies d’Orange, 1er août 2006

Photo : DR

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