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Napoli par le Ballet Royal du Danemark - Spaghetti ketchup - Compte–rendu

Bournonville, le franco-danois élève de Vestris, ami d’Andersen et maître du ballet royal de Copenhague, y fait figure de trésor national, et plus particulièrement avec Napoli, son chef d’œuvre, dansé depuis 1842 jusqu’au XXIe siècle dans son jus d’origine, tout de fraîcheur et d’harmonie. Au point d’avoir reçu au Palais Garnier les honneurs de la garde républicaine accueillant la reine de Danemark, venue avec son époux le prince Henrik, natif de notre sud-ouest, soutenir la prestigieuse compagnie qu’est demeurée le Ballet danois, depuis que le maître Bournonville lui donna son identité. Car ce dernier fut à la danse ce que furent à la pensée Voltaire et Rousseau réunis, à la plastique un Michel Ange adouci.

Tout dans l’écriture du corps qu’il sut imposer, dans cet art de la batterie- laquelle développe chez les garçons des mollets d’alpinistes suisses-, dans cet subtilité du placé de l’épaule, dans cette façon de parcourir l’espace en deux bonds, mais sans le caractère spectaculaire de la future école russe, dans cette façon de s’élever verticalement d’une simple détente, comme sans élan, respire l’équilibre du corps et de l’esprit, la joie de vivre : honnies par Bournonville, la gesticulation et les performances voyantes, car, professait le chorégraphe « l’aisance apparente n’est atteinte que par une minorité ». Bref, simplicité, fraîcheur, quête du bonheur, servies par une discipline qui seule permet la liberté de mouvement et de pensée.

Le seul point faible de Napoli, bluette dont le chorégraphe eut l’idée lors d’un voyage en Italie, et juste prétexte à d’exquis enchaînements, est incontestablement sa musique, pour laquelle ils se mirent à quatre, dont le très estimable Nils Gade. L’ensemble est brillant mais sans envergure. Mais fallait-il remplacer le 2e acte, pour faible qu’il fût, par une musique de caf’conc’ mi rock mi soap, concoctée par Louise Alenius, compositrice locale, qui n’aide guère une chorégraphie aussi niaise que vaguement moderniste, substituée à l’ancienne en 2009 par le nouveau directeur du ballet, Nikolaj Hübbe, ancienne étoile de la troupe. Sans parler du 1er acte, où il balaie les charmantes images d’un Naples romantique par un tableau maffieux animé par une bande de marins en goguette - façon Gene Kelly- et surtout une ribambelle de personnages gras et vulgaires, gigotant d’une façon que Bournonville aurait sans doute exécrée.

Heureusement, la technique est sauve, et les beaux danseurs du ballet danois, surtout les garçons, ont gardé cette façon si particulière de bouger et de sauter-les pirouettes sont, elles, un peu faibles-, qui curieusement ramène deux siècles en arrière, et même au-delà car elle emprunte à Vestris le grand, et demeure un modèle de maîtrise du corps et de légèreté spirituelle. Heureusement surtout, le troisième acte, le plus célèbre, nous est livré dans sa version d’origine, avec son interminable et étincelante tarentelle, où chacun vient faire son numéro. Le voile de mauvaise humeur s’est levé, heureusement ! Mais n’est pas Matts Ek qui veut, ou John Neumeier, s’emparant de chefs d’œuvres historiques pour leur donner une dimension nouvelle. Et la vulgarité n’est pas la panacée pour redonner vie à des clichés un peu désuets. Le chef David Levi, quant à lui, n’a pas douté, et avec une joyeuse énergie, il a sauté à peu près autant que les danseurs. On lui en sait gré.

Jacqueline Thuilleux

Palais Garnier, spectacles donné du 6 au 10 janvier 2012

Massenet : Manon
Paris, Opéra Bastille, les 10, 14, 18, 22, 25, 28 janvier et les 2, 5, 10 et 13 février 2012 www.operadeparis.fr

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Photo : Opéra de Paris / Costin Radu
 

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