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Musique dans l’Aisne – Pas de fatalité à l’échec culturel sur un territoire rural

Pour Jean-Michel Verneiges, délégué départemental à la musique de l’Aisne, cheville ouvrière du Festival de Laon dont la 28ème édition débute dimanche 4 septembre, une politique culturelle musicale reste d’abord une affaire de terrain et de fédération de toutes les énergies locales.
 
S’il est discret, préférant l’anonymat pour éviter tout risque d’instrumentalisation ou de personnalisation excessives du dynamisme culturel et musical du département de L’Aisne, J.-M. Verneiges, délégué départemental à la musique de l’ADAMA (Association pour le développement des activités de l’Aisne) est pourtant au cœur de la vitalité des Festivals de Saint-Michel-en-Thiérache (créé en 1987) et de Laon dont la 28ème édition se déroule du 4 septembre au 16 octobre. Si vous ne trouverez pas sa signature sur les éditos des festivals qu’il anime, c’est parce qu’il se soucie d’abord de fédérer la totalité des acteurs pour donner une cohérence d’ensemble aux actions musicales - de la pédagogie à la production et à la diffusion - du département et au-delà.

Jean-Michel Verneiges © ME Bretel
 
Contre les modes fatalistes et les pressions de toutes sortes, J.-M. Verneiges fait partie de ceux, visionnaires et humanistes pour qui il n’y a pas de développement économique sans développement culturel. Et tout de suite préciser pour balayer les objections populistes : « le volet social est aussi important que le volet musical. Il n’y a pas de fatalité d’échec culturel sur un territoire rural. Si les festivals en constituent les rendez-vous phares, ils ne doivent pas être hors-sol et isolés de leur territoire mais s’appuyer sur des initiatives pratiques, en d’autres termes investir dans la transversalité. »
Concrètement, c’est l’expression d’une volonté d’articuler pédagogie et projet artistique de haut niveau, comme de conjuguer implantation territoriale des musiciens d’exception  et développement local. Cela implique de jeter continuellement des ponts entre les institutions et les pratiques amateurs, entre les Conservatoires régionaux et la programmation des festivals, mais aussi de « tenir tous les bouts de la chaine de la filière symphonique, associant musiciens amateurs et chevronnés pour favoriser la pratique collective et individuelle » 
 

Jean-Michel Verneiges (à g. ) & François-Xavier Roth (à dr.) © DR
 
L’utopie a pris forme avec l’Atelier départemental d’orchestre symphonique de l’Aisne, baptisé depuis 2009 La Symphonie des Siècles en référence à l’exemplaire collaboration avec l’orchestre Les Siècles de François Xavier Roth (photo). Forte d’environ cent dix musiciens, la Symphonie des Siècles associe jeunes amateurs, musiciens professionnels (issus des Siècles) et professeurs des conservatoires de l’Aisne. Deux stages d’une semaine - organisés pendant les vacances de Printemps et début juillet - accueillent tous les volontaires gratuitement et sans sélection (à partir de cinq années de pratique milieu et fin de cycle II) pour aborder le répertoire symphonique (cette année, le Concerto pour piano n°4 de Beethoven et Danses symphoniques de Rachmaninov). « La création de cette alchimie collective trouve son aboutissement malgré l’hétérogénéité des niveaux dans deux concerts publics (début juillet en fin de stage) et en ouverture du Festival de Laon dimanche 4 septembre, savoure Jean-Michel Verneiges. Mais l’initiation musicale appelle d’autres initiatives.
 

La Cité de la musique et de la danse de Soissons © Jean-Marie Carré
 
« Les musiciens, il faut aussi aller les chercher dans les centres sociaux. » En parallèle de La Symphonie des Siècles, Jean-Michel Verneiges a développé depuis 2013 à Soissons et prochainement à St Quentin, la sensibilisation des jeunes enfants de 7 à 12 ans à travers le projet Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), portée par la Philharmonie de Paris et les collectivités locales, qui leur permet de travailler un instrument collectivement. L’instrument est prêté puis donné à ceux qui souhaitent, à l’issue des trois années du dispositif, s’inscrire au conservatoire où ils bénéficient d’un accompagnement spécifique. « L’initiative est probante puisque que 40 sur 90 enfants se sont inscrits. » confirme J.-M. Verneiges encouragé à poursuivre sa stratégie d’exposition musicale vis-à-vis d’enfants de toutes catégories sociales.
 
« Nul fatalisme. En matière culturelle comme en économie tout est question de perspective et d’ambition locales, il faut sortir des logiques de super-territoires trop souvent hors-sol. Dès que les acteurs de terrain sont soutenus, la vision change. » insiste J.-M. Verneiges. Ce qui bien évidemment n’empêche pas de nouer des liens avec les Orchestres de Lille et de Picardie, qui sont « amenés à prendre toute leur place d’orchestres permanents de la région Hauts-de-France », contribuant notamment à l’animation musicale du festival de Laon ou ils sont programmés (respectivement le 7 et le 8 octobre) et pendant la saison du récent auditorium de la Cité de la musique et de la danse de Soissons.
Face à cette politique exemplaire qui peut encore oser dire que la musique symphonique est une affaire urbaine et élitiste ? L’Aisne montre que la réussite de démocratisation culturelle dépend d’un engagement sur le terrain de femmes et d’hommes de bonne volonté. Rendez-vous dimanche 4 septembre à la Cathédrale de Laon pour le concert de La Symphonie des Siècles.
 
Olivier Olgan

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28e Festival de Laon
Du 4 septembre au 16 octobre 2016
festival-laon.fr

Photo François-Xavier Roth en répétition avec La Symphononie des Siècles © DR

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