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Miklós Perényi et Dénes Várjon au Théâtre de la Ville - La voix du cœur - Compte-rendu


Accueilli régulièrement au Théâtre de la Ville, le grand violoncelliste hongrois Miklós Perényi – disciple de Pablo Casals – ne connaît pas en France l’engouement qu’il mériterait, mais le public fidèle et nombreux est toujours au rendez-vous. Peu sensible aux sirènes médiatiques, plus concentré sur son art que sur la nécessité de paraître, Perényi appartient à cette catégorie d’artistes qui ne vivent que pour la musique. A côté de son compatriote et complice le remarquable pianiste Dénes Várjon, le programme qu’il propose est à l’image de sa personnalité exigeante et animée par le désir d’absolu.

Année Liszt oblige, La lugubre gondole dans sa transcription pour violoncelle et piano plante le décor, volontiers mortifère et sans concession. Même impression avec la Sonate n°2 en sol mineur de Gabriel Fauré dont le caractère austère et introspectif convient à un archet économe de moyens, qui appelle intensité et intériorité face au clavier plus loquace et coloré de Várjon.

La Sonate n°5, op 102 n°2 de Beethoven est une leçon de style par le jeu dramatique et tendu de deux partenaires en communion parfaite. Cette impression se vérifie dans l’Adagio et Allegro de Schumann, parfois à la limite du silence qui plonge au plus profond de l’âme et du cœur.

Ernő Dohnányi (1877-1960), magistral pianiste en son temps, a laissé une œuvre de musique de chambre dont l’expressionnisme se place dans le sillage du post-romantisme allemand, avec la Sonate op 8 par exemple. Exécutée avec une noblesse toute patricienne, elle prend, sous les doigts agiles et tourmentés de ses interprètes inspirés, une dimension virtuose (Scherzo) que tempère un final à variations aux humeurs contrastées et au lyrisme superbement contrôlé. Le bis (la Sicilienne extraite de Pelléas et Mélisande de Fauré) est un instant de rêve éveillé servi par l’élégance d’une interprétation à la profondeur infinie. Un exemple à méditer.

Michel Le Naour

Paris, Théâtre de la Ville, 14 mai 2011

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Photo : DR

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