Bonne nouvelle pour la petite troupe avignonnaise, en piste souvent pour les intermèdes dansés des Chorégies d’Orange, et à laquelle le chorégraphe d’origine sicilienne Emilio Calcagno a déjà donné une impulsion forte depuis trois ans, y invitant des chorégraphes d’importance sur la grille d’une danse plus moderne : et notamment Martin Harriague (photo), car ce dernier vient d’y être nommé directeur pour le remplacer.
 
Le bayonnais de 37 ans, à coup sûr, est la personnalité de la jeune chorégraphie française sur laquelle tout le monde a les yeux fixés.(1) Un parcours atypique puisqu’il a commencé la danse très tard, en fait pour accéder à la chorégraphie et mieux comprendre les mouvements, et une personnalité hors normes, qui lui fait fouiller dans les tréfonds de l’âme et du corps avec une grande acuité, une évidente violence (avec laquelle son séjour à la Kibbutz Contemporary Dance Company de l’Israélien Rami Beer a bien dû le familiariser), et un imaginaire débridé qui le conduit sur de nombreuses pistes, souvent déroutantes.
 
On a véritablement commencé à le connaître grâce à Thierry Malandain, qui lui a donné sa chance, l’associant à sa compagnie, à laquelle il a donné des pièces mémorables, notamment Sirènes en 2018 et un Sacre du Printemps en 2001 qui nous avait chaviré. Affable, chaleureux, l’air d’un jeune homme tranquille, mais bouillonnant des pulsions les plus diverses, qu’il va lui falloir canaliser pour mieux se trouver, Harriague, véritable homme de scène, apporte un sang neuf à la chorégraphie un peu en manque de jeunes créateurs en France, sur laquelle trois sexagénaires, Malandain, Preljocaj, et Maillot à Monaco, continuent de régner. Il n’a évidemment pas annoncé ses projets, mais on devine qu’ils seront virtuoses et surprenants, voire explosifs, dans le bon sens du terme.
 
Jacqueline Thuilleux