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Lucile Richardot enregistre Vivaldi à Versailles

Diego Fasolis répète l’ouverture à la française que Vivaldi a placée au début de la deuxième partie de La Senna festeggiante, « serenata » qui sera enregistrée dans les prochains jours pour le label Château de Versailles Spectacles. Distribuant des conseils en trois langues, le chef suisse encourage les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra royal – 22 instrumentistes – dans la recherche de couleurs toujours plus expressives.
 

Diego Fasolis © Pascal Le Mée

Des trois chanteurs, sont déjà présents l’Âge d’Or, rôle dans lequel Gwendoline Blondeel devrait briller autant que dans sa récente Aurore à l’Opéra Comique, et la Seine, qui impose à Luigi De Donato de vertigineux sauts sur près de deux octaves, de puissants aigus jusqu’à de somptueux graves. Seule la Vertu manque encore à l’appel, mais voilà que Lucile Richardot arrive de Paris, où elle répète en ce moment des cantates d’Alessandro Scarlatti avec le claveciniste Philippe Grisvard. Versailles l’attendait en mars pour la Passion selon saint Mathieu avec l’ensemble Pygmalion, mais au milieu du grand bouleversement causé par la pandémie, c’est finalement pour un enregistrement qu’elle retrouve l’Opéra royal. Après y avoir notamment chanté dans Arsilda de Vivaldi sous la direction de Václav Luks, la mezzo revient pour ce nouveau projet vivaldien monté dans l’urgence.
 

© Pascal Le Mée

L’agenda de Lucile Richardot semble donc bien rempli… « L’essentiel de mon activité se passe en France, je n’ai dû renoncer qu’à quelques concerts à l’étranger. Comme je chante en solo mais aussi dans des ensembles, je suis moins dépendante de productions d’opéra sujettes à annulation. Je ne me sens pas isolée, grâce à cette fidélité entre interprètes qui me paraît assez propre aux ensembles baroques. »
Trop  modeste, la mezzo finit néanmoins par avouer quelques regrets. « En novembre dernier, j’aurais dû faire mes débuts au Staatsoper de Berlin, dans le rôle-titre d’Orfeo, de Graun. Il a fallu aussi annuler mes débuts à Québec et Montréal avec les Violons du Roi. L’édition 2021 du Boston Early Music Festival est reportée en 2023, mais l’œuvre prévue devrait être enregistrée en mai de cette année, en principe. Aux Etats-Unis, les mécènes ont repris leurs billes… ».
 

Avec Sir John Eliot Gardiner au Festival Berlioz le  31 août 2018 © Bruno Moussier

En cette saison propice aux captations sans public, Lucile Richardot a récemment fait – à huis clos – ses débuts en Geneviève dans Pelléas et Mélisande filmé à l’Opéra de Rouen.(1) « Tout spectacle a une dimension sociale, que la captation ne remplace évidemment pas. Ce Pelléas devrait être redonné au TCE à la rentrée, Patricia Petibon y retrouvant le rôle de Mélisande, avec les Siècles dirigés par François-Xavier Roth. L’opéra de Debussy me convient bien, ce côté psalmodie : je viens du médiéval, de la liturgie, donc ce n’est pas si différent, comme mode de discours… »

Faut-il alors s’attendre à retrouver la mezzo dans d’autres projets hors musique baroque ? « Dans deux ans, je ferai Les Mamelles de Tirésias (la marchande de journaux), couplé avec Le Rossignol (la Mort). Et en 2023, pour ses 80 ans, John Eliot Gardiner veut monter Les Troyens. En concert, j’ai chanté avec lui La Mort de Cléopâtre et les adieux de Didon : je me voyais plutôt en Anna, mais il me proposait carrément Didon ; on a transigé et je serai Cassandre. Mais pour les ensembles britanniques, rien n’est simple, entre la perte des subsides de la Couronne, le retrait des mécènes américains, sans oublier le Brexit… ». On espère aussi retrouver Lucile Richardot au festival d’Aix-en-Provence, dans le spectacle Combattimento, pasticcio à base d’airs de Monteverdi, Rossi, Cavalli, etc., mais bien malin qui pourrait dire aujourd’hui de quoi l’avenir proche sera fait. Du moins pourra-t-on se consoler avec cet enregistrement de La Senna festeggiante, à paraître dans un an.

Laurent Bury

(1) CR + Replay : www.concertclassic.com/article/pelleas-et-melisande-lopera-de-rouen-streaming-les-tortures-de-golaud-compte-rendu

Opéra Royal de Versailles, mardi 9 février 2021

Photo © Pascal Le Mée

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