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« L’Opéra doit utiliser les nouveaux médias » - Une interview de Stefano Mazzonis di Pralafera


A la tête de l’Opéra Royal de Liège Wallonie depuis 2007, Stefano Mazzonis di Pralafera dirige avec un bel enthousiasme une institution qui traverse un période de transition car les travaux en cours à l’Opéra Royal (achèvement prévu pour le commencement de la saison 2012-2013) ont conduit à une installation provisoire sous le vaste chapiteau du Palais Opéra.

Comment le public a-t-il réagi au moment du déménagement au Palais Opéra ?

Stefano MAZZONIS di PRALAFERA : Un partie public était ravie, une autre se méfiait, mais tout à coup, à la fin de la saison passée, le miracle s’est produit et les gens ont finalement été séduits par un lieu où l’on dispose d’une visibilité globale, bien meilleure qu’au Théâtre Royal.

Quel est le budget annuel global de votre maison ?

S. M. d. P. : Il se situe entre 18 et 20 millions d’euros, avec les surcoûts liés au déménagement au Palais Opéra. L’Opéra Royal de Liège Wallonie dispose d’un orchestre de soixante-cinq musiciens permanents et d’un chœur de quarante membres.

Depuis votre arrivée, vous avez mis en œuvre une active politique de conquête de nouveaux publics, en direction des jeunes en particulier ; quel bilan en tirez-vous ?

S.M.d.P. : En trois ans nous avons atteint des résultats formidables. L’autre soir à La Flûte enchantée, sur un public total de 1064 spectateurs nous avions plus de 400 jeunes dans la salle ! Les chiffres de la saison passée situent à une moyenne de 25% la présence de jeunes spectateurs à nos spectacles.

Comment êtes-vous concrètement parvenu à ce résultat ?

S. M.d.P. : J’ai beaucoup « foncé » ! (rires). Nous avons beaucoup travaillé avec une politique spécifique pour les jeunes. Nous ne les avons pas « pénalisés », nous les avons considérés comme des spectateurs « normaux », en leur réservant les meilleures places et en leur accordant évidemment des avantages tarifaires. Nous avons aussi créé des spectacles spéciaux pour eux afin de les former à la musique. Tout le problème est là. Ce sont les théâtres qui doivent se préoccuper de former le public. Nous travaillons en collaboration avec les Jeunesses musicales qui préparent les enfants en milieu scolaire, nous préparons des dossiers pour les enseignants, etc. Tout jeune de moins de quatorze ans peut venir gratuitement à nos spectacles, accompagné par un adulte payant.

Vous vous êtes également soucié de diffuser les spectacles de l’Opéra Royal de Liège Wallonie via internet ou les salles de cinéma…

S. M.d.P. : C’est mon deuxième dada ! Je pense qu’aujourd’hui l’opéra doit utiliser les nouveaux médias. Le monde est en plein changement : les CD ont presque disparus, les DVD connaîtront le même sort ; il faut penser à tous les nouveaux moyens de diffusion, dont les retransmissions dans les salles de cinéma. Nous avons ainsi proposé avec succès un Falstaff et une Traviata dans des salles de France, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Pologne, de Roumanie, d’Italie, d’Espagne et une seule en Belgique – nous ne pouvions pas nous « cannibaliser ».

Trois ouvrages de la saison passée ont été diffusés en streaming live sur internet, sur un site que nous avions créé. Cette année en revanche nous avons passé un accord avec Daily Motion*. D’autres accords (avec Mezzo-Web TV par exemple) sont en préparation. On ne remplacera évidemment jamais la magie d’un spectacle vivant, mais il est toutefois indispensable aujourd’hui de se tourner vers ces nouveaux modes de diffusion, et nous sommes pionniers en ce domaine.

Venons-en à la saison en cours, très orientée sur le répertoire classique et du XIXe siècle, plus que sur le XXe siècle…

S.M.d.P. : Il est vrai que j’ai fait le choix de redécouvrir des opéras du XVIIIe et partiellement du XVIIe siècle, mais je n’exclus pas par principe le XXe siècle. D’ailleurs ce répertoire figure dans mes programmes en direction des jeunes (avec par exemple La Petite Renarde rusée ou un opéra contemporain tel que Lupus in favola).

A propos de redécouverte d’œuvres rares, quelques mots pour conclure sur L’Inimico delle donne de Baldassare Galuppi, qui sera donné en janvier-février sous la baguette de Rinaldo Alessandrini et dans votre mise en scène…

S.M.d.P. : Créé en 1771, cet opéra a été totalement oublié par la suite, à tel point qu’il ne figurait pas dans le catalogue des œuvres de Galuppi. C’est une musique géniale, on entend du Mozart là-dedans ; Galuppi était très connu et joué en son temps – on a donné certains de ses opéras en Russie. Le livret de Bertati (le librettiste du Mariage secret de Cimarosa) nous raconte une sorte d’Italiana in Algeri, à cette différence près que l’action se passe en Chine. Un argument plein de rebondissements mais avec aussi une réflexion intéressante sur la relation entre pouvoir et religion.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 21 octobre 2010.

Opéra Royal de Liège Wallonie

Bizet : Carmen – jusqu’au 8 janvier 2011

Galuppi : L’Inimico delle donne – du 28 janvier au 5 février 2011

Palais Opéra – Liège, Boulevard de la Consitution

Pour découvrir la programmation de l’Opéra Royal de Liège Wallonie :
www.operaliege.be

> *Calendrier des diffusions en direct sur Daily Motion


-Carmen (Bizet): mardi 21/12/2010 à 20:00


-L'Inimico delle Donne (Galuppi): mardi 1/02/2011 à 20:00


-Il Barbiere di Siviglia (Rossini): mardi 15/03/2011 à 20:00 


-Otello (Verdi): jeudi 28/04/2011 à 20:00


-Salomé (Strauss): jeudi 9/06/2011 à 20:00

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