Journal

​Les Frivolités Parisiennes jouent Le Petit Duc de Charles Lecoq – Y’a d’la joie !

Commencée il y a quelques jours à Dreux, la tournée de la nouvelle production des Frivolités Parisiennes, Le Petit Duc de Lecoq, fait prochainement étape à Paris, au Trianon (le 19/02), avant de poursuivre son chemin à Reims (3/03) puis à Saint-Dizier (5/03). Une seule représentation par étape ; autant dire que ceux qui suivent de près la joyeuse compagnie lyrique auront soigneusement coché ces dates sur leur agenda.

2009 : Benjamin El Arbi (bassoniste) et Mathieu Franot (clarinettiste), qui se connaissent depuis quelques années déjà (le premier a fait ses études à la Hochschule de Cologne, l’autre entre Bruxelles, Rotterdam et Paris), se retrouvent à Paris, au Trianon, dans l’ensemble instrumental d’une production de la Princesse de Trébizonde d’Offenbach présentée par la compagnie Les Tréteaux Lyriques. En 2012, dans le même contexte, ils participent, à l’Espace Cardin cette fois, au Pont des soupirs du même auteur. C’est là que « la décision de monter une troupe pour travailler ce répertoire toute l’année » se fait jour. « Nous étions convaincus qu’il fallait faire plus grand ». Les deux jeunes instrumentistes refusent les réductions plus ou moins étiques de la partie orchestrale : « nous avions envie de disposer d’un vrai orchestre ; nous avons parlé de l’orchestre avant de parler du répertoire. »

Benamin El Arbi © DR

En 2012, le chemin de B. El Arbi et M. Franot croise celui de Pierre Girod, alors étudiant musicologie au CNSMD de Paris et passionné par le répertoire de musique française dite légère. Le courant passe entre ces dangereux ennemis de la morosité et de l’ennui ; les deux instrumentistes viennent de rencontrer celui qui va bientôt devenir le conseiller musical des Frivolités Parisiennes.
Dès le départ les fondateurs de la compagnie lyrique ont souhaité « s’entourer des gens les plus pointus possibles.» « La joie c’est important », lance B. El Arbi : pas question de traiter la musique légère par dessus la jambe ! Le duo collabore donc avec de solides connaisseurs du répertoire d’opérette et d’opéra-comique. Outre P. Girod, Nicolas Chesneau (chef de chant) est présent. P. Girod a établi une liste d’ouvrages qui lui paraissent mériter la redécouverte. On réfléchit, on discute d’une première production : le choix se porte sur L’Ambassadrice d’Auber.

Mathieu Franot © DR

Reste à trouver une scène ... L’enthousiasme soulève les montagnes ; celui de B. El Arbi et M. Franot parvient à convaincre Jean-Claude Auclair, directeur de L’Alhambra à Paris, d’accueillir le spectacle dans les premiers jours de 2013. Les deux musiciens se souviennent avec une vraie émotion de ce geste de confiance et de cette prise de risques – décisifs ô combien pour la suite  ... J.-C. Auclair a vu juste : comme les spectateurs, la réussite musicale est au rendez-vous !(1) En tête distribution, la délicieuse Magali Léger fait merveille dans la mise en scène diablement efficace de Charlotte Loriot. La fosse réunit un vrai orchestre, rondement mené par Mathieu Romano. Ce dernier fait partie des jeunes chefs français qui, avec Julien Leroy, Alexandra Cravero ou Nicolas Simon, accompagnent les Frivolités depuis leurs débuts.
 

L'Ambassadrice d'Auber © Les Frivolités Parisiennes

Avec L’Ambassadrice, l’existence des Frivolités Parisiennes commençait officiellement pour un public féru d’un répertoire aussi savoureux que rare à la scène. En l’espace de cinq ans, la compagnie a signé une dizaine de productions, parmi lesquelles Le Petit Faust d’Hervé, Bonsoir Monsieur Pantalon ! de Grisar (2), Le Guitarrero d’Halévy (3) et, l’an dernier, Don César de Bazan de Massenet (4) et Le Farfadet d’Adam(5). N’oublions par Yes ! de Maurice Yvain (6) début 2016 ou, tout récemment, la revue-fantaisie « Paris Chéri(e)s »(7), montée avec la complicité de Christophe Mirambeau et de sa compagnie Les Grands Boulevards, précieuse collaboration qui a permis aux Frivolités Parisiennes de s’ouvrir à la musique légère du début du XXe siècle – celle des années 20 en particulier – et de rencontrer des artistes familiers d’un répertoire différent de celui fréquenté jusqu’alors. Gosse de riche, autre ouvrage de Maurice Yvain, est d’ailleurs actuellement en cours de préparation et sera présenté au mois d’avril (à Saint-Dizier et à Paris), deuxième spectacle de 2017 monté avec Les Grands Boulevards et C. Mirambeau après "Paris Chéri(e)s".

Le Guitarrero d'Halévy © Les Frivolités Parisiennes

Les Frivolités Parisiennes structurent leur activité autour de trois pôles, avec d’abord les diverses productions : en grand format (ex. Don César de Bazan, Le Petit Duc) ou plus « maniables », avec un orchestre moins fourni, le Frivole Ensemble, qui comprend tout de même une quinzaine de musiciens (ex. « Paris Chéri(e)s » ).
Autre volet important du projet artistique des Frivolités Parisiennes, une structure de formation, les « Paris Frivoles », s’attache à familiariser de jeunes chanteurs avec tout un patrimoine musical qui a lui aussi droit à une interprétation « historiquement informée ». P. Girod et l’acteur Pascal Neyron sont parmi ses animateurs et, chaque promotion présente en fin de saison un opéra-comique en un acte (ex. Bonsoir Monsieur Pantalon !, Le Farfadet). Ce qui plait aux hommes de Leo Delibes est au programme cette fois et sera présenté le 17 mai à Paris (Théâtre Trévise). Toujours au chapitre des « Paris Frivoles », on note que les jeunes chanteurs sont présents au Théâtre impérial de Compiègne en mai durant le désormais rituel week-end « Tous à l’Opéra ! ».
 

Paris Chéri(e)s © Théâtre Trévise - Paul Herman

Troisième aspect de la vie des Frivolités, moins visible du grand public mais cher au cœur de B. El Arbi et M. Franot, le projet pédagogique « De Mômes et d’Opérette » se concrétise, depuis la naissance la compagnie, par une collaboration avec l’école primaire Simplon dans le 18ème arrondissement de Paris. Directrice de l’établissement – et grande fan des Frivolités ! – Catherine Nevanenn s’est beaucoup impliquée dans une entreprise exigeante, concernant des enfants de la maternelle au CM2. Elle se solde, chaque fin d’année scolaire, par un spectacle. « Nous travaillons avec eux comme lorsque nous montons une production, confient B. El Arbi et M. Franot, qui insistent sur « l’importance du cheminement pour arriver au spectacle final » et sur le « modèle de cohésion » qu’il offre aux gamins. Quand on sait l’esprit de troupe qui règne dans tous les spectacles des Frivolités, il est clair que ce ne sont pas là paroles en l’air.

On rencontre B. El Arbi et M. Franot dans un café parisien, juste avant qu’ils ne filent à la Fondation Singer-Polignac pour la première lecture avec orchestre du Petit Duc. Grâce à Yves Petit de Voize, la ruche musicale de l’Avenue Georges Mandel offre en effet une résidence à la compagnie lyrique et lui fournit un précieux lieu de répétition. Et un point d’attache important, tout comme les salles partenaires (théâtres de Dreux et de Saint-Dizier, Opéra de Reims) où se produisent régulièrement les Frivolités Lyriques.

Nicolas Simon © DR

Charles Lecocq (1832-1918) et son Petit Duc sont donc les heureux élus des Frivolités pour leur nouveau spectacle. Créé au théâtre de la Renaissance à Paris le 25 janvier 1878, cet opéra-comique valut un énorme succès à son auteur, en France et bien au-delà des frontières – il se prolongea jusqu’à la seconde guerre mondiale. Depuis, comme tant d’autres titres de ce répertoire, l’ouvrage dort à poings fermés. Nul doute que le metteur en scène Edouard Signolet, dont c’est la première collaboration avec les Frivolités, saura le réveiller – de bon poil ! – avec l’esprit et l’impertinence qu’on lui connaît.

La redécouverte de l’opéra-comique passe, pour B. El Arbi et M. Franot, par « une actualisation des codes » de ce répertoire plus que par d’improbables transpositions. Mais surtout, elle repose sur l’esprit de troupe qui fait toute la force de la compagnie. Avec des chanteurs tels que Sandrine Buendia, Marion Tassou, Rémy Poulakis, Jean-Baptiste Dumora et Mathieu Dubroca, le Petit Duc augure d’un moment de plaisir pur, sur scène comme dans la fosse où une bonne trentaine de musiciens seront menés par la preste baguette de Nicolas Simon. Car l’interaction permanente entre l’orchestre et le plateau demeure l’une des qualités premières des spectacles des Frivolités. Après tout, c'est par l'orchestre que cette belle aventure a commencé.

Alain Cochard

logo signature article

(Entretien avec Benjamin El Arbi et Mathieu Franot réalisé le 2 février 2017)
 
 
(1)www.concertclassic.com/article/lambassadrice-dauber-lalhambra-delicieuse-resurrection-compte-rendu
(2) www.concertclassic.com/article/bonsoir-monsieur-pantalon-dalbert-grisar-leuropeen-un-regal-compte-rendu
(3) www.concertclassic.com/article/le-guitarrero-dhalevy-au-theatre-de-la-porte-saint-martin-enthousiasmant-compte-rendu
(4) www.concertclassic.com/article/don-cesar-de-bazan-par-les-frivolites-parisiennes-savoureuse-redecouverte-compte-rendu
(5) www.concertclassic.com/article/le-farfadet-dadolphe-adam-au-theatre-trevise-piquante-fanfaronnade-compte-rendu
(6) www.concertclassic.com/article/yes-de-maurice-yvain-par-les-frivolite-parisiennes-au-cafe-de-la-danse-delice-des-annees
(7) www.concertclassic.com/article/paris-cheries-au-theatre-trevise-paris-plaisir-ils-ne-pensent-qua-ca-et-ils-ont-bien-raison
 
Lecoq : Le Petit Duc
19 février – 16h
Paris – Le Trianon (75018)
www.letrianon.fr/event/le-petit-duc/
 
3 mars – 20h 
Reims – Opéra
5 mars – 15h30
Saint-Dizier – Théâtre
www.lesfrivolitesparisiennes.com

Photo @ DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles