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Le Requiem « à la mémoire de Bellini » de Donizetti au Festival de Saint-Denis – La perle rare

Donizetti assiste aux ultimes répétitions de sa Lucia di Lammermoor lorsqu’on vient lui apprendre la mort de Vincenzo Bellini. Le compositeur de Norma s’était éteint à Puteaux le 23 septembre 1835, emporté par une fulgurante tumeur intestinale : trente-trois ans !
Le vertige dût saisir Donizetti, son aîné de quatre ans : sa Lucia marchait justement sur les traces de La Sonnambula et de l’Elvira des Puritani, tout son art se réclamait dans son absolu du bel canto tel que Bellini l’avait parachevé : son cadet le laissait seul assumer l’héritage de l’opéra romantique italien.

Sous le coup de l’émotion, il s’enferme dans son cabinet de travail et compose un Requiem aussi splendide que demeuré méconnu. Personne ne s’intéressait à un travail pour l’église venant de celui qui régnait sur la scène ultramontaine, et Donizetti lui-même n’eut guère le loisir de le promouvoir, toujours occupé à bourlinguer de théâtre en théâtre. Apparemment l’œuvre fut jouée au début des années 1870, Donizetti avait rejoint Bellini au Royaume des morts depuis plus de vingt ans : ce Requiem était devenu son propre requiem.

Puis il sombra dans l’oubli jusqu’à ce que Vilmos Lesko en propose une édition critique, en 1975 ! Une raide version parue chez Orfeo desservit l’œuvre – elle est en écoute sur le site du Festival de Saint Denis, ne vous y fiez pas – alors que Luciano Pavarotti l’imposait à Vérone, et l’enregistrait pour Decca en compagnie de Viorica Cortez et de Renato Bruson, en révélant tout le génie : la malédiction continuait, ce disque restera son enregistrement le plus rare et le plus méconnu.

Leonardo García Alarcón @ CCR Ambronay / B. Pichène

Injustice ! La partition est splendide de bout en bout, conclue par un Libera me que Verdi n’eût pas désavoué. Leonardo García Alarcón a donc mille fois raison de donner une nouvelle chance à cette œuvre maudite et somptueuse. Nulle doute qu’il en révèlera toutes les beautés avec le soin philologique qu’il apporte à toutes les musiques qu’il touche : respect de l’effectif original, interprétation historiquement informée, et évidemment cette direction qui sait ce que phraser et attaquer veulent dire et fait tout entendre de la polyphonie.

Année après année, Leonardo García Alarcón et ses formations – cette fois le Chœur de chambre de Namur et l’Orchestre Millenium – s’installent au Festival de Saint-Denis, créant toujours l’événement. Bravo aux organisateurs : ils ont trouvé la perle rare dont ils avaient besoin pour apporter du sang neuf et des horizons nouveaux à leur rayonnante institution.

Jean-Charles Hoffelé

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Donizetti : Requiem
Francesca Aspromonte, Guiseppina Bridelli, Fabio Trümpy, Nikolay Borchev, Choeur de Chambre de Namur, Orchestre Milenium, dir. Leonardo García Alarcón
8 juin 2016 – 20h30
Saint-Denis – Basilique 
www.concertclassic.com/concert/requiem-de-donizetti
www.concertclassic.com/festival/festival-de-saint-denis

Photo L. G. Alarcón © Jean-Baptiste Millot

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