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​Le Duo Nida (Migle Astrauskaite & Jordan Costard) à la Maison Heinrich Heine – Maîtrise et complicité – Compte-rendu

Après avoir apprécié Jordan Costard l’été dernier au Festival de Colmar au côté de Gabriel Durliat (1), on attendait le violoncelliste en trio (avec la flûtiste Miglė Astrauskaitė et Victor Métral au clavier) pour le troisième et dernier volet de sa « carte blanche » à la Maison Heinrich Heine. Souffrant, le pianiste a dû renoncer à sa participation et, plutôt que d’annuler, Miglė Astrauskaitė et Jordan Costard ont opté pour une solution de rechange à deux, ce d’autant plus facilement qu’ils forment depuis quatre ans le Duo Nida.
 
Et de proposer un programme très varié qui, de Beethoven à Connesson, mêlait pièces originales et arrangements pour flûte et violoncelle. Initialement conçu pour clarinette et basson, le 2Duo en fa majeur WoO 2 de Beethoven ouvre le concert avec une volubilité charmeuse et souriante. Les 8 Duos op. 39 de Reinhold Glière (1874-1956) – pour violon et violoncelle, arrangés par le Duo Nida – mettent en valeur le sens des caractères des interprètes. De l’étrangeté du n° 1(Prélude) au souffle impalpable du n° 8 (Etude), ils savent traduire les atmosphères changeantes du cahier dans une belle respiration commune. Impossible de ne pas céder à la tendre délicatesse du n° 3 (Berceuse), au balancement rêveur du n° 5 (Intermezzo) ou à la joie du n° 7 (Scherzo). On n'est pas moins séduit ensuite par la fameuse Passacaille de Haendel/Halvorsen, dont les éclairages changeants sont traduits avec autant de fluidité que de générosité.
 
Tout entière dans le XXe siècle, la seconde partie présente des pages originellement écrites pour flûte et violoncelle. Musica per due du Franco-Serbe Ivan Jevtic (né en 1947, ancien élève de Messiaen), partition pleine de contrastes, est défendue avec des couleurs et une vigueur qui soulignent le substrat populaire de l’inspiration. Les nos 2 et 3 d’Assobio a Jato de Villa Lobos font passer d’un climat nocturne et comme en suspend, restitué d’admirable façon, à un finale d’une vitalité impeccablement dominée ... jusqu’au décollage final ! Miglė Astrauskaitė est aussi compositrice : après le foisonnement lobosien, Nida (pièce inspirée par une célèbre station balnéaire de sa Lituanie natale) installe une atmosphère rêveuse et teintée de douce mélancolie, traduite de manière très prenante. L’énergie reprend le dessus en conclusion avec la Toccata-Nocturne (2002) de Guillaume Connesson dont la course effrénée referme le programme hors des sentiers battus d’un duo d'une maîtrise et d'une complicité remarquables.
 
Alain Cochard

 

(1) www.concertclassic.com/article/festival-international-de-colmar-2023-lheure-de-la-renaissance-compte-rendu
 
Paris, Maison Heinrich Heine (Cité universitaire), 26 novembre 2023 // Pour découvrir le Duo Nida : www.youtube.com/watch?v=_1YEOJo5EZ0
 

Photo © Ludo Segers

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