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La Traviata à Monte-Carlo - Incandescente Sonia Yoncheva - Compte-rendu

La chose est entendue, ouvrir le bicentenaire Verdi avec l’un des titres les plus célèbres du répertoire ne constitue certes pas une preuve d’originalité. Mais sous ses allures classiques, la mise en scène de Jean-Louis Grinda, coproduite avec l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne où elle sera reprise en mars sous la baguette Laurent Campellone, dévoile une intelligence dramatique que des conceptions se donnant pour audacieuses oublient. Sans inutile digression, on suit l’histoire des amours de Violetta et Alfredo jusqu’au dénouement final. Désertée, la chambre de la courtisane fait écho au prélude où on la voit entourée de ses amis alors que le médecin diagnostique le fatale phtisie. Sorte de métaphore prémonitoire de la destinée de l’héroïne, le traitement du ballet des gitanes et des matadors se révèle judicieux. Sans doute l’efficacité du premier acte ne se retrouve-t-elle pas dans l’économie plus statique de la confrontation entre Violetta et Germont. Quant à la chute de la demi-mondaine sous les yeux de ses admirateurs, son théâtre, Jean-Louis Grinda essaie de se déprendre de l’incontournable paraphrase viscontienne. Saluons l’élégance des éclairages de Laurent Castaingt.

Mais la valeur de ce travail se mesure également à la marge de liberté qu’il laisse aux interprètes. Et Sonya Yoncheva (qui tient le rôle en alternance avec Désirée Rancatore) sait en user avec un instinct admirable. Dès son entrée, les projecteurs se tournent naturellement vers elle. Dans l’incarnation de la Bulgare point l’intelligence et la sensibilité d’un personnage hors du commun – ce que fut Marie Duplessis. Alors que Germont le père vient de partir, elle tourne sa chaise face au miroir pour surveiller, inquiète, l’arrivée d’Alfredo alors qu’elle lui écrit sa lettre d’adieu. L’ampleur du matériau vocal enrichit d’intériorité des vocalises qui n’en sont pas le langage inné. Et que dire de ce parlando intensément lyrique ! L’actrice et la chanteuse ne font qu’une dans cette Violetta aussi authentique qu’incandescente.

D’un style plus français qu’italien, Jean-François Borras donne le meilleur de son attachant Alfredo dans les deux derniers duos. Luca Salsi compose un Germont vigoureux voire autoritaire, à la pâte parfois patriarche. Les comprimari se révèlent de bonne tenue. Liliane Mattei minaude une Flora piquante. Discrète, Loriana Castellano n’en demeure pas moins attachante. Les trois aristocrates sont efficacement campés – Alain Gabriel (Létorières), Gabriele Ribis (Douphol), Guy Bonfiglio (d’Orbigny). René Schirrer convainc à juste mesure en Grenvil.

L’ensemble du plateau est formidablement soutenu par la direction souple et narrative de Marco Armiliato. Sonnant avec une belle concision expressive, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo laisse s’épanouir une élasticité rythmique au naturel irrésistible. Préparés par Stefano Visconti, les chœurs affirment une excellente présence, ultime protagoniste d’un spectacle qui fait honneur à Verdi.

Gilles Charlassier

Verdi : La Traviata – Monte-Carlo, Salle Garnier, 27 janvier 2013, prochaines représentations, les 31 janvier et 2 février avec Sonya Yoncheva et les 30 janvier, 1er et 3 février avec Désirée Rancatore. www.opera.mc

Site de l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne : www.operatheatredesaintetienne.fr

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Photo : Opéra de Monte Carlo 2013
 

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