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La Damnation de Faust au Festival Berlioz 2023 – Accomplissement – Compte-rendu

 
 
 
Au cours de sa longue et prestigieuse carrière, Charles Dutoit s’est taillé une réputation enviable comme défenseur et interprète de Berlioz, dont il a dirigé et enregistré les grandes œuvres, comme aussi des pages plus inusitées. Il était temps qu’il soit invité au Festival Berlioz. Il y vient enfin, avec La Damnation de Faust qu’il a maintes fois conduite (et y compris même les rares Huit Scènes Faust, prélude à la future Damnation). Et le résultat répond à ces attentes prometteuses.
 

© Bruno Moussier

Pour ce concert unique (qui ne semble pas devoir être repris par ailleurs), Dutoit a réuni l’Orchestre de la Suisse romande, le Chœur de Radio France et un plateau de solistes des plus adaptés. En ce domaine, la révélation vient de Stéphanie d’Oustrac, pour une prise de rôle de Marguerite qu’elle accomplit souverainement, phrasé délicat (« Autrefois un roi de Thulé ») ou emporté (« D’amour l’ardente flamme ») et sentiment immanent. Un grande Marguerite que l’on a hâte de retrouver.
À ses côtés, John Relyea incarne un ardent Méphisto de juste expression et parfaite élocution (chez ce Canadien anglophone). Pour l’épisodique Brander, Edwin Crossley-Mercer épanche son air bravache avec bagout et la sûreté qu’on lui connaît. Faust est un cas à part : il revient à Marc Laho, ténor éprouvé mais qu’on a connu mieux à son affaire, ici dans une déclamation hésitante, une projection peu ferme, malgré quelques traits bien menés (dans des passages en voix de tête, ou dans l’élan de ses « mille feux éclatants »). Un ténor au faîte d’une large carrière, dont on sent la fatigue.
 

© Bruno Moussier
 
Le Chœur de Radio France, préparé par Josep Vila i Casañas, s’élance d’un juste appoint, entre nuances et effusions, pour cette partie qu’il a depuis des lustres à son répertoire et dont il manifeste la maîtrise (avec la participation bien venue de chorales d’enfants pour le finale). Autre grand vainqueur : l’Orchestre de la Suisse romande, délié, détaillé dans ses nombreuses interventions d’instruments solitaires, d’un élan d’ensemble qui ne faillit jamais, en parfaite cohésion avec le chant. Assurément, ces judicieuses vertus doivent tout à la battue précise autant que rigoureuse d’un Dutoit maître comme jamais de ses moyens et d’une partition dont il sait les moindres tenants et aboutissements. À la façon d’un accomplissement, que le public (des plus attentifs) reçoit comme tel, debout et par des applaudissements sans fin.
 
À noter, en marge de ce remarquable concert : l’exposition « Enfer et Damnation ! » qui se tient au Musée Hector-Berlioz (1) de la bourgade aménagé dans la maison natale du compositeur, qui rassemble des documents d’époque et de représentations historiques de La Damnation de Faust avec le soin et l’imagination que l’on connaît à son directeur Antoine Troncy (jusqu’au 31 décembre).
 

Pierre-René Serna
 

(1) musees.isere.fr/musee/musee-hector-berlioz
 

Hector Berlioz : La Damnation de Faust - La Côte-Saint-André (auditorium provisoire du château), 27 août 2023.
 
Photo © Bruno Moussier

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