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​Hamlet d’Ambroise Thomas au 15e Festival Musica Nigella – Venez au théâtre, Ophélie ! – Compte-rendu

En conclusion de sa quinzième édition, maintenue vaillamment en dépit de tous les obstacles que la pandémie a dressés cette année sur le chemin des artistes, le festival Musica Nigella reproposait le Hamlet d’Ambroise Thomas présenté pour la première fois en juin 2019. Mais après le Théâtre de Montreuil-sur-mer, c’est cette fois le Théâtre élisabéthain du château d’Hardelot, qui offre à cette production un écrin on ne peut plus shakespearien.
 

© Jean-François Tourniquet

On retrouve donc la transcription pour ensemble de chambre réalisée par Takénori Némoto, avec ses degrés variables d’allègement par rapport à la partition originale. C’est surtout du côté des cordes que l’on perd en pâte orchestrale ce que l’on gagne en transparence, car les vents (Hamlet est entré dans l’histoire comme le premier opéra à faire inclure un solo pour saxophone) restent très présents. Dans les récitatifs, on a souvent l’impression que les voix se déploient par-dessus le silence de la fosse, ce qui convient bien au style quasi parlando adopté la plupart du temps : cette manière de déclamer le texte de Barbier et Carré lui confère une étonnante modernité, presque debussyste. Sans doute Didier Henry, qui tenait encore le rôle-titre il y a une dizaine d’années à Metz, aura-t-il soutenu les chanteurs dans cette démarche, en tant que metteur en scène de ce spectacle sobre mais efficace, où des projections permettent de passer sans peine d’un lieu à l’autre. La galerie suspendue en fond de scène accueille le chœur lors du festin à a fin du premier acte (en l’occurrence, le chœur amateur Diapason, qui affronte courageusement une œuvre exigeante) et surtout les apparitions du spectre du père (dès l’ouverture, une vidéo le montre sous la forme d’une main géante au milieu des nuages).
 

 © Jean-François Tourniquet

La distribution est quasi inchangée par rapport à 2019, avec néanmoins une modification de taille, puisque Laurent Deleuil, peut-être bloqué dans son Canada natal, n’a pas pu reprendre le rôle d’Hamlet. Avec un vibrato assez prononcé dans l’aigu et un volume parfois un peu insuffisant, Ronan Desbois convainc néanmoins par son investissement dramatique de chaque instant et séduit par une diction superlative (ce dernier compliment pourrait d’ailleurs s’appliquer à toute la distribution). S’il n’est pas la basse qu’appelle la partition, du moins Erwan Piriou atteint-il sans peine les graves de Claudius. Dommage que Léo Muscat soit un peu avare de nuances en Laërte ; réduit à la portion congrue par le livret, le personnage gagnerait à être moins confiné au forte.

Aucune réserve, en revanche, en ce qui concerne les deux rôles féminins. Avec sa haute stature, Floriane Petit campe une reine dont la majesté fait oublier qu’elle n’a pas l’âge d’être la mère d’Hamlet, et sa prestation vocale n’appelle que des éloges, d’autant plus que cette soprano dramatique aborde ici un rôle de mezzo-soprano : cela s’entend un peu dans la partie basse de la tessiture, mais l’intensité de l’expression rend son incarnation mémorable. Révélation enfin en ce qui concerne Louise Pingeot, admirable Ophélie, avec entre autres une scène de la folie impeccablement maîtrisée : cette soprano colorature s’est jusqu’ici surtout produite dans le cadre du festival de Belle-Ile en mer, et était Tisbé dans la Cendrillon d’Isouard coproduite par le Palazzetto Bru Zane. « Allez dans un cloître, Ophélie ! » dit Hamlet ; nous espérons qu’avec les atouts qui sont les siens, Louise Pingeot reviendra bien plutôt dans les théâtres.

Laurent Bury

Thomas : Hamlet - Condette, Théâtre élisabéthain du Château d’Hardelot, vendredi 23 octobre ; prochaine représentation le 25 octobre 2020 (18h30), Le Touquet-Paris-Plage (Palais des Congrès, Salle Ravel) // www.musica-nigella.fr/
 
Photo © Jean-François Tourniquet

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