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Festival Le Balcon à l’Athénée – Une exigeante audace – Compte-rendu

Du sérieux, du fantastique, du mysticisme, du sang, des rires, des larmes, des films, de la vidéo, de l’électronique, de la projection sonore à la pointe, des instrumentistes et des chanteurs qui y croient, transcendance, rédemption, foire, enfants sur scène, ballons qui volent… Le Balcon (collectif co-dirigé par Maxime Pascal (photo), Florent Derex et Alphonse Cemin) a trouvé un terrain d’entente fabuleux entre esthétique BD un peu trash, exigence technique, poésie symboliste et intemporelle, constante expérimentation dans l’aventure cosmique du son. Ce funambulisme fragile et audacieux a su révéler et réveiller la création dite « contemporaine » ; Le Balcon aime (d’amour) les projets qu’il produit, et les transmet avec passion.

A côté de l'opéra de chambre Jakob Lenz de Rihm (1) – une réussite –, Maxime Pascal et sa troupe ont proposé une "Soirée mystique", à entendre par référence aux « mystères », qui dépasse l’entendement, où l’étrangeté, le sentiment amoureux et le sentiment religieux tour à tour s’invitent.
Siegfried Idyll ouvrait le bal des « trucs bizarres » comme pourrait le dire malicieusement Maxime Pascal, dans sa chambriste version originale de 1870. Berceuse à Siegfried, déclaration d’amour de Wagner à sa femme et à la mère de son fils, ébauche lumineuse des futures et tumultueuses pages symphoniques du troisième épisode du Ring.

Les artistes colombiens Marco Suarez-Cifuentes et Nieto présentaient ensuite la version scénique de l’Agneau mystique, installation-performance vivante, donnée par ailleurs sous les voûtes de l’église Saint-Eustache. Nieto, vidéaste et scénographe, compagnon du Balcon depuis toujours, interroge, à travers ses vidéos troublantes et énigmatiques, la musique et le rapport qu’entretient celle-ci à l’image.
La musique de Suarez-Cifuentes évoque Stockhausen, Licht plus précisément, entre autres grâce à la trompette du jeune Clovis Montes de Oca et du cor de basset (sublime) d’Iris Zerdoud, pilier du Balcon... Work in progress à suivre de près, car il semblerait que cet Agneau ne soit que le prologue prometteur d’une réalisation de plus grande ampleur. Enfin, arrivait le très attendu Bakhti de Jonathan Harvey que le Balcon rêvait de monter depuis toujours : vraiment mystique par l’invisibilité des sons acoustiques et électroniques. Musique d’église, poésie des cloches et des hymnes védiques… Admirable.
 
Plus mythique que mystique (quoique ...), le Festival du Balcon se clôturait sur une fête. Et pas de vraie fête sans des enfants, telle est l’une des devises du Balcon, dont plusieurs musiciens sont aussi enseignants en conservatoire. Voici donc Manifestations de Grisey, courte pièce « spectrale », sorte de manifeste pour le son, interprétée par un orchestre d’élèves du conservatoire du 18e arrondissement de Paris. Pas peu fiers les gamins ...
 S’ensuivait un Trait de lumière incandescent de Frédéric Blondy, avec dispersion de ce même orchestre dans toute la salle, pour quelques murmures d’une faune imaginaire. Le bouquet final « néo cool » revenait à In C de Terry Riley : une seule page de musique pour quelques bribes de sons qui jouent de vraie fausse liberté et de décalage constant. Résultat : musiciens, chef et public de tous les âges, en transe pendant presque une heure ; good trip agrémenté d’un lâcher de ballons multicolores (depuis le dernier balcon) dont l’envol dans toute la salle a accompagné cette partition à la fois simple et complètement dingue, et participé à la joie générale.
 
On attend à présent Maxime Pascal et l'équipe du Balcon pour un autre anniversaire : le 70e de Michaël Levinas, fêté à la Scala-Paris ce lundi 15 avril. (2)
 
Gaëlle Le Dantec

(1) www.concertclassic.com/article/jakob-lenz-de-wolfgang-rihm-par-le-balcon-au-theatre-de-lathenee-dans-la-nuit-du-poete
 
(2) https://lascala-paris.com/programmation/anniversaire-de-michel-levinas/

Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, du 15 au 30 avril 2019
 
Photo © Guillaume de Sardes

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