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Compte-rendu : Peter Eötvös dirige l’Ensemble Modern Orchestra - Génération 74


Déclinaison symphonique de l’Ensemble Modern – l’Intercontemporain de Francfort – l’Ensemble Modern Orchestra est une formation éphémère et quelque peu miraculeuse, qui permet, chaque saison, au gré des tournées de constater que la musique pour orchestre est bien vivante, vivace et toujours renouvelée.

Accueilli par le Festival d’automne à la Salle Pleyel, ce programme de la treizième tournée de la formation depuis sa fondation en 1998 est un peu fou avec ses trois créations mises en regard de deux partitions majeures de Schoenberg, le tout joué par un orchestre pléthorique. Pierre Boulez devait diriger ce programme placé sous le signe de l’expressionnisme et les trois créations lui sont d’ailleurs dédiées, mais c’est finalement un autre grand chef d’orchestre et compositeur, Peter Eötvös, qui l’a remplacé au pupitre.

En ouverture, Bruno Mantovani (né en 1974) propose Postludium, qu’il qualifie de « post-scriptum musical » à son opéra Akhmatova qui sera créé en mars prochain à l’Opéra Bastille : œuvre dense, assez violemment expressive où, un peu à la manière de son très réussi Concerto pour deux altos (2008), il fait durer sans relâche de longues lignes mélodiques. Avec Dithyrambes de l’Allemand Jens Joneleit (né en 1968), le propos est tout autre : une musique tout entière portée par des gestes orchestraux spectaculaires, phrases à l’unisson répétées comme pour en jauger l’effet, entre mouvements spontanés et repentirs.

L’œuvre la plus personnelle cependant est celle de Johannes Maria Staud (né, comme Bruno Mantovani, en 1974). Inspiré par l’œuvre très singulière de Bruno Schulz (1892-1942), ce « prototype de la littérature expressionniste » tel que le qualifie le compositeur autrichien, Contrebande (On Comparative Meteorology II) est un recueil d’atmosphères dispersées en quelques miniatures dont l’écoute est à la fois guidée par une orchestration limpide et toujours surprise, décontenancée par un éclairage inattendue. La force expressive de ce chef-d’œuvre culmine dans une dernière séquence obsédante et fantomatique.

Un peu extérieure peut-être dans l’œuvre de Bruno Mantovani, la direction de Peter Eötvös s’est révélée parfaite pour mettre en valeur les langages plus éclatés et riches en couleurs de Jens Joneleit et Johannes Maria Staud. Il a de même donné des deux Schoenberg – les Cinq pièces op 16 et les Variations op 31 qui concluaient chacun une partie du concert – une interprétation lyrique et lumineuse.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Salle Pleyel, 6 novembre 2010

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Photo : DR

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