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Compte-rendu : Ardeur beethovénienne - Daniel Barenboim soliste et chef de la Staatskapelle Berlin


Une salle Pleyel pleine à craquer : c’était l’événement musical parisien du week-end passé et le public n’aura pas regretté d’avoir répondu en masse à l’invitation du pianiste et chef Daniel Barenboim pour une intégrale des cinq concertos pour piano de Beethoven avec la Staatskapelle Berlin, augmentée de quelques pièces orchestrales de Schoenberg.

Clavier face au public : la position du piano rappelle des souvenirs à ceux qui ont connu les années Barenboim à l’Orchestre de Paris… Bientôt l’artiste rejoint son instrument et la formation berlinoise, à laquelle il est attaché depuis 1992, pour un moment de musique dont on se souviendra longtemps. Quelle fête des sons, quel musicien !

Premier dans la chronologie des cinq opus, le Concerto n°2 ouvre la soirée de samedi. Entre les souvenirs et les prédictions, Barenboim a fait son choix : il s’empare avec une formidable énergie d’une partition qui fut l’un de chevaux de bataille du jeune Beethoven lancé dans la conquête de Vienne. L’Adagio central respire largement, le piano en parfaite osmose avec les timbres racés d’une phalange que l’ « omnimusicien » ne perd pas un instant de l’œil – ou de la main dès que l’occasion se présente. Bientôt le Rondo exulte, ludique à souhait, emporté dans un jubilatoire élan !

Le Concerto n°3 suit quelques minutes plus tard, devant un public aux anges (pas une toux – il est vrai que tout ce beau monde se racle préventivement entre les mouvements…). Même réussite ! L’ut mineur marque un tournant dans le corpus des concertos de Beethoven et, dans les mains du pianiste et chef, il annonce avec une conquérante ardeur le grand concerto symphonique dont « L’Empereur » constituera le prototype pour tout le siècle romantique. Puissante mais jamais lourde, intense quoique sans pathos, la conception mise sur l’exacerbation des timbres. Un foisonnement auquel contribue grandement un Steinway fruité comme on n’en entend, hélas, que très rarement à Paris (un instrument qui suit le pianiste dans ses tournées – ce que l’on conçoit aisément…), mais qui doit surtout à un jeu que le temps a enrichi. La direction d’orchestre pourrait bien avoir permis à l’art de Barenboim, pianiste, de parvenir à son plein épanouissement…

Les couleurs sont à la fête aussi en seconde partie soirée dans les Variations op 31 d’Arnold Schoenberg. Comme lors du concert avec l’Orchestre du West-Eastern Divan (le 25/08/2008 à Pleyel), c’est toujours du siècle de Wagner et de Brahms que l’interprétation de Barenboim fait procéder la première œuvre dodécaphonique pour orchestre symphonique. Une conception qui, avec une phalange du niveau de la splendide Staatskapelle Berlin, trouve son aboutissement et dévoile toutes les facettes d’un ouvrage qui en dit bien plus, là, que dans des approches plus modernistes.

Alain Cochard

Paris, salle Pleyel, samedi 6 février 2010

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Photo : DR

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