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Compte-rendu - Aldo Ciccolini à l’Orchestre de Paris - Trente ans plus tard…


Depuis combien temps Aldo Ciccolini n’avait-il pas été invité à l’Orchestre de Paris ? La réponse paraît tout simplement ahurissante : 1979-2009 = trente ans ! Et pendant ces trois décennies combien de pianistes de – restons poli – moindre intérêt ?... Mais puisqu’il s’agit ici de rendre compte d’un grand moment de musique, ne nous gâchons pas le plaisir avec des commentaires cruels envers les responsables de l’oubli scandaleusement prolongé d’un pianiste aussi considérable. Constitué d’enregistrements réalisés entre 1950 et 1991, le coffret de 56 CD que vient de publier EMI en offre une éclatante illustration. On y trouve, parmi d’autres merveilles, les 5 concertos pour piano de Camille Saint-Saëns enregistrés, avec l’Orchestre de Paris justement, sous la baguette de Serge Baudo en 1970.

C’est d’ailleurs le 4ème Concerto en ut mineur de l’auteur de Samson et Dalila que Ciccolini a retenu pour ses retrouvailles avec l’Orchestre de Paris, dirigé par Ilan Volkov.

Après Music of Tree, une pièce de Takemitsu conduite avec précision et sens de la nuance par le jeune chef israélien, le pianiste retrouve le Concerto op 44 qu’il avait donné dans cette même salle en avril 2008 avec l’Orchestre National de Montpellier et Lawrence Foster. L’approche se veut moins éclatante que lors de ce concert, mais l’on reste médusé devant le raffinement des timbres, les subtiles gradations qu’en alchimiste du clavier Ciccolini tire d’un des grands concertos de la seconde moitié du XIXe siècle. Son interprétation noble, décantée et profondément lyrique aura aussi eu le mérite de le rappeler à ceux qui persistent à snober Saint-Saëns.

Ilan Volkov se montre précis et s’attache à ne jamais couvrir son partenaire, mais sa baguette manque d’un peu de souffle et de liberté. Ils lui auraient aussi permis d’imprimer un caractère plus narratif à la Ballade du violoneux de Janaceck, bien défendue toutefois par Pavel Sporcl – sur son violon bleu ! Du même compositeur, la Sinfonietta qui suit ne manifeste certes pas assez d’âpreté pour que s’exhale toute sa poésie. On y suit tout de même Volkov avec bonheur au cours d’une approche extrêmement moderne, analytique et d’une indéniable cohérence. D’autant que les musiciens de l’Orchestre de Paris – ses magnifiques souffleurs au premier chef – se révèlent toujours à la hauteur de l’enjeu.

Alain Cochard

Paris, salle Pleyel, le 26 novembre 2009

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Photo : DR

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