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Le noir et le rouge, I Capuleti e I Montecchi avec Anna Netrebko


Voilà, c’est fait, l’Opéra de Paris a vu, et surtout entendu les débuts d’Anna Netrebko (photo). La justesse est toujours aussi problématique, surtout lorsque la vocalise se déploie sans le guide de l’orchestre. Mais évidemment l’intensité de cette voix, une intensité de miel et de lait qui correspond bien à une certaine idée - fantasmée ? - du bel canto interdit de se plaindre. Ce timbre, cette agilité à la vocalise, ces couleurs sont des dons de Dieu. Et pour la Giulietta de Bellini, qui n’est qu’une plainte, une bénédiction par la fraîcheur et la perfection de la présence. On se plaindra des mots, incertains, des voyelles, très peu définies elles aussi. Oui, mais voilà, il y a un miracle et il vous touche. Le reste n’entre que très marginalement en compte.

Pourtant, avec son lait et son miel Netrebko ne fut pas la révélation de la soirée. Encore une fois Joyce DiDonato sortit sa botte secrète. Cette ardeur, cet emportement, ce chant urgent où les mots claquent et la douleur s’aiguise, cette voix longue, qui surplombe les phrases asphyxiantes de Bellini avec un abandon et une énergie inextricablement mêlés, voici le vrai bel canto, l’ardeur et le rêve en un seul geste. Admirable, transportant. Et d’une justesse totale, dans l’intonation comme dans la vocalise.

Le Tebaldo de Matthew Polenzani, donnait dans cette même veine urgente, prenant les risques que son bel instrument lui autorise, chantant large et dardé. Clefs de fa parfaites, chœurs un peu ternes, en fosse Evelino Pido, enthousiaste, mais qui semble plus concerné que les musiciens, encore audiblement victimes du syndrome de mépris pour ce répertoire qui les empêche de jouer vraiment, dans l’allégement comme dans le drame.

La production reste ce qu’elle est, l’œuvre des belles lumières de Davy Cunningham d’abord, des décors et des costumes rouges et noirs de Michael Levine ensuite, et du savant réglage opéré par le maître d’armes Bernard Chabin. Ce sont eux qui font ce spectacle que Robert Carsen n’époussette plus depuis longtemps et qu’il a d’ailleurs à peine visité même lors de ses débuts genevois : ce quintette en rang d’ognons, cette Juliette classiquement vautrée dans sa mort sur son Roméo, sont à peine excusés par une idée : les morts ennemis qui se relèvent pour se donner l’accolade au II.

Jean-Charles Hoffelé

Vincenzo Bellini, I Capuleti e I Montecchi, Opéra Bastille, le 24 mai, puis les 28 et 31 mai et les 2, 5, 8, 11 et 15 juin 2008 (Patricia Ciofi chante Giulietta le 31 mai puis les 11 et 15 juin)

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Photo : DR

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