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« Virginalistes à trois » au 2ème Festival Terpsichore – Kaléïdoscope élisabéthain – Compte-rendu

Le Festival Terpsichore de Skip Sempé attache une grande importante à l’adéquation entre la musique et le lieu où elle est donnée et a tiré les leçons de sa première édition l’an dernier. Pour le répertoire sacré, le Festival 2015 délaisse l’Oratoire du Louvre, à l’acoustique très moyenne, au profit du temple de Pentemont et de l’église Saint-Louis-en-l’Île. Il demeure en revanche fidèle – comme on le comprend ! – à la merveilleuse salle Erard, nichée au fond d’une cour pavée de la rue du Mail, dont l’atmosphère intimiste et l’acoustique aussi naturelle que parfaitement définie conviennent à de petits effectifs.

Autant dire un cadre idéal pour le programme « Virginalistes à trois » qui réunissait Skip Sempé, Olivier Fortin et Pierre Hantaï. Un virginal flamand d’après Ruckers (signé Martin Skowroneck), un clavecin allemand d’après des modèles du tout début XVIIIe (du facteur finlandais Jonte Knif) et un clavecin français d’après Vaudry (1681), lui aussi de Skrowoneck, ayant appartenu à Gustav Leonhardt et désormais propriété de Skip Sempé, occupent la scène : trois instruments aux personnalités bien affirmées - autant que celles des interprètes présents ! Skip Sempé opte pour le virginal, Pierre Hantaï pour le clavecin allemand et Olivier Fortin pour le français : la Lachrimae Pavan de Dowland/Morley nous convie avec une tendre mélancolie a une promenade musicale dans l’Angleterre d’Elisabeth 1ère.
 
Poésie et fantaisie dominent tout au long d’un concert en une partie où le risque d’uniformité qui peut poindre dans ce répertoire s’il est joué sur un unique instrument est continûment déjoué. A l’exception d’une Pavan de Byrd confiée au seul virginal, on alterne entre des moments à deux ou trois instruments. Robustesse d’une Galliard de Byrd par Hantaï et Sempé, jubilation d'une Gagliarda Gamba (anonyme) à trois, douce confidence de Hantaï et Fortin dans A Fancy for two to play (Tomkins), etc. ; une série de portraits, d’atmosphères contrastées se succèdent. L’émerveillement et la variété qui en résultent découlent de la complicité des trois interprètes, mais aussi de l’art avec lequel ils jouent des couleurs de leurs instruments respectifs. A preuve par exemple le résultat obtenu dans la mouvante et rêveuse Fortune my Foe ( Dowland) ou Monsieur’s Alman – My Lord of Oxenford’s Make (Byrd/Morley), d’une noblesse et d’une liberté admirables…
Un concert ? Plutôt une conversation musicale entre trois amis ; une grosse heure de pur bonheur en tout cas.
 
Notez que, toujours dans le cadre de Terpsichore, le 14 novembre, le duo de violes Les Voix Humaines se produit à la salle Erard (un programme allemand à 17h et un autre anglais à 20h), le Capriccio Stravagante Trio (Julien Martin, Josh Cheatham, Skip Sempé) lui succède (le 21) dans des pages de Ortiz, Dowland, Marais et Bach, avant qu’Olivier Fortin, Jean Rondeau et l’Ensemble Masques ne signent un programme tout Bach (le 22). Ce n’est pas tous les jours qu’Erard ouvre ses portes : ne manquez pas ces occasions !
 
Alain Cochard

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Paris, Salle Erard, 7 novembre 2015 (concert de 20h30)
 
2ème Festival Tersichore, jusqu’au 30 novembre 2015 : www.terpsichore-festival.com

Photo © Massimo Polvara

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