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Roger Muraro et Gábor Káli à l’Orchestre de chambre de Paris/ Théâtre des Champs-Elysées – Chopin en bonne compagnie – Compte-rendu

 

Presque un an après un concert Bartók-Ligeti dirigé par Gergely Madaras à la Cité de la musique (1), l’Orchestre de chambre de Paris joue une fois de plus la carte hongroise, cette fois au théâtre des Champs-Elysées, avec un autre brillant chef de la nouvelle génération, issu lui aussi de l'Académie Franz Liszt de Budapest : Gábor Káli (photo). Carte à nouveau gagnante ! Kodály, Chopin, Dvořák : l’artiste est en terre d’élection dans ce programme Mitteleuropa.
 
Gábor Káli © Johanna Link

Une évidence dès les Danses de Marosszék, pièce savoureuse que l’on n’entend pas tous les soirs à Paris. Le chef y embarque d’autant plus facilement ses troupes que Deborah Nemtanu, premier violon supersoliste de l’OCP, manifeste un goût prononcé pour ce répertoire.(2) Plénitude de la sonorité, dynamisme, caractère, sens de la nuance aussi (très belle section Moderato) : avec ce Kodály, la soirée démarre sous les meilleurs auspices, avant de faire place à Roger Muraro dans le Concerto en fa mineur de Chopin – second dans la numérotation mais premier dans l’ordre de composition.
 

Roger Muraro © DR

Archi-rebattu, l’ouvrage semble renaître sous les doigts d’un virtuose certes, mais surtout d’un pur musicien – bien trop rare dans les salles parisiennes ... Le chant demeure toujours le maître mot d’une interprétation qui parvient à souligner l’apport du style brillant à l’écriture d’un Chopin à peine sorti de l’adolescence sans rien céder à l’effet – et quel toucher, quelle intelligente présence de la main gauche ... Dans le Larghetto, Muraro traduit avec un merveilleux frémissement poétique l’essence belcantiste de l’inspiration ; à l’instar du soliste, Gábor Káli a le bon goût de ne pas surjouer la dramatique section con forza. Quant au finale plutôt que de cavaler vainement, l’essence populaire du propos y est saisie comme il le faut : semplice ma graziosamente. Vivace ? Réjouissance du cœur plutôt que vaine course des doigts. En bis, le Nocturne en ut dièse mineur op. posth. offre un postlude tout trouvé, lyrique et humain, semblable à un écho – en rêve – du mouvement lent du concerto
 
On entend rarement la Suite tchèque op. 39 de Dvořák, partition sans doute pas la plus essentielle de son auteur, mais qui ravit l’oreille ici parce que, justement, Gábor Káli n’y cherche pas plus qu’elle ne saurait offrir. Simplicité, naturel, variété des coloris (subtilement distillés dans le n° 3, Sousedská, grazioso à souhait) : la charme opère jusqu’au Furiant conclusif – qui pressent certains accents de la « Nouveau Monde ».
Retour à Kodály en conclusion avec les Danses de Galánta dont l’OCP s’empare avec un bel appétit. Commande et cadeau d’anniversaire pour le Philharmonique de Budapest à l’occasion de ses 80 ans (en 1933), l’ouvrage se déploie avec un tonus et une générosité, pas moins séduisants qu’une dimension visuelle prononcée que Gábor Káli restitue avec fougue, sûr de pouvoir compter quand il le faut sur les qualités individuelles de tel ou tel instrumentiste (mention spéciale à la clarinette de Florent Pujuila !)
Clin d’œil au programme avec Madaras que nous évoquions plus haut, un extrait du Concerto românesc de Ligeti tient lieu de bis et l’archet de Deborah Nemtanu s’y montre à nouveau d’une enivrante générosité.
 
Alain Cochard
 

(2) Répertoire dans lequel on va justement retrouver la violoniste, avec la Symphonie de Poche de Nicolas Simon, lors d'une série de concerts à la Folle Journée (accompagnée de la sortie d'un CD "Furiant" chez Mirare) : www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-deborah-nemtanu-violon-solo-supersoliste-de-lorchestre-de-chambre-de-paris
Photo © © Másolat
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