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Quatuor gagnant - Ballets Russes au Palais Garnier

Fragilité des spectacles : on craint toujours de voir remonter les chorégraphies des Ballets Russes bien que leur historique soit abondamment documenté, conscient qu’une part de leur magie restera toujours impossible à retrouver. Mais le Ballet de l’Opéra de Paris les connaît peut-être mieux que toute autre et a toujours su produire des danseurs qui puissent réinventer les univers de Fokine, de Nijinski ou de Massine illustrés par ce quatuors de partitions phares : Le Spectre de la rose, le Prélude à l’après-midi d’un faune, Le Tricorne et Pétrouchka.

Au sommet de la soirée le Meunier de José Martinez, la taille prise haute, le saut aussi dynamique qu’élégant, de silhouette, de caractère simplement parfait et mettant dans sa pantomime une pointe d’ironie et d’attendrissement qui en font un personnage décidément saillant. Sa meunière, Stéphanie Romberg, reste plus effacée, mais toujours en danse racée jusque dans sa prière. Impayable Corregidor de Fabrice Bourgeois. Décidément ce Tricorne envahi par Picasso garde une fraîcheur absolue.

On n’en dira pas autant de la fantaisie romantique que Fokine met à son Spectre de la Rose, encore vieille école, mais dansé avec une subtilité narrative étonnante par Clairemarie Osta et Marc Moreau, et guère plus du Prélude de Nijinski dont le geste audacieux est contrarié par le style bas-relief, toujours aussi incommode. Mais Jérémie Bélingard, sans faire oublier Charles Jude, y est admirable de suggestion et d’expression, plus troublant que scandaleux, et met dans sa danse une lascivité naïve et pourtant perverse.

Toute la vitalité du corps de ballet éclatait dans un Pétrouchka impitoyablement réglé, où un éblouissant trio (Eve Grinsztajn, Nicolas Le Riche, Stéphane Bullion) contait l’histoire avec verve et émotion, laissant pourtant la primauté au Charlatan de Michaël Denard dont chaque geste était une parole. Très bon orchestre mené par Vello Pähn, précis et mordant dans le Tricorne ou Pétrouchka, brillant pour le Spectre, sensualiste et diapré dans le Prélude, et savoureuses interventions vocales d’Andrea Hill pour les chansons du Tricorne.

Jean-Charles Hoffelé

Ballets Russes - Palais Garnier, le 19 décembre, puis les 20, 22, 23, 26, 28 et 31 décembre 2009

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Photo : Sébastien Mathé
 

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