Journal

​Parsifal au Festival de Bayreuth - Au service de la musique - Compte-rendu

Cette nouvelle production de Parsifal a fait couler beaucoup d’encre avec le départ précipité d’Andris Nelsons avant la fin des répétitions et son remplacement par le vétéran Hartmut Haenchen (73 ans). La mise en scène du directeur du Théâtre de Wiesbaden, Uwe Eric Laufenberg, qui situe l’action en plein conflit moyen-oriental dans une église chrétienne en sursis surveillée avec insistance par des soldats en armes contribuait également à entretenir la rumeur. N’était la cohabitation de femmes voilées et de Filles-fleurs enfermées dans un harem digne des Femmes d’Alger de Delacroix, on se croirait transporté dans l’atmosphère du film « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois relatant le calvaire des moines de Tibhirine. Contrepoint de ce qui se déroule à l’intérieur du Festspielhaus, le service d’ordre très présent contrôle plus que de coutume les allers et venues à l’intérieur du parc.
 
Laufenberg use et abuse d’un procédé qui finit par lasser. Doit-on montrer aussi crûment la cérémonie du Graal sous une débauche d’hémoglobine recouvrant le corps d’Amfortas dont le sang recueilli dans les coupes est bu ostensiblement par les chevaliers ? Ou encore insister sur le caractère christique de la crucifixion tel un leitmotiv ? Kundry n’est plus la sauvageonne de la tradition : elle sait faire preuve de sensualité à l’acte II mais devient ensuite une Marie-Madeleine soumise lavant les pieds de Parsifal ou poussant Gurnemanz dans un fauteuil roulant alors qu’elle-même montre des signes de la maladie de Parkinson.

 © Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath
 
Musicalement, la production emporte globalement l’adhésion. Le ténor Klaus Florian Vogt qui fut sur la Colline sacrée un Lohengrin d’anthologie se love de manière saisissante dans le rôle de Parsifal. Son apparence de jeune homme et sa tessiture quasi mozartienne rendent au personnage toute la dimension céleste et lyrique sans que l’on ne ressente jamais d’effort sur le plan de l’intonation. Elena Pankratova campe une Kundry de composition à la fois saisissante et viscérale capable de passer par les registres les plus contrastés, allant de la tendresse à l’âpreté. Très sollicité y compris sur le plan physique, l’athlétique Ryan McKinny donne le maximum d’intensité et d’expression à Amfortas mais manifeste une certaine fatigue lors du rituel du Graal à la fin de l’œuvre. En revanche, Georg Zeppenfeld ne montre aucune faiblesse en Gurnemanz et impose une forte présence tant vocale que scénique par son chant profond et l’aptitude à capter l’attention y compris dans ses longs monologues. Le Klingsor de Gerd Grochowski, très impliqué, et le profond Titurel de Karl-Heinz Lehner complètent avec bonheur cette distribution.
 

© Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath 
 
Familier de l’univers wagnérien, Hartmut Haenchen connaît son Parsifal comme personne, bien qu’il ait disposé de peu de temps pour peaufiner sa conception. Il pouvait compter sur le professionnalisme de l’Orchestre du Festival et sur de superbes Chœurs préparés avec soin par Eberhard Friedrich, mais hélas placés le plus souvent en fond de scène. Sa vision somme toute assez traditionnelle témoigne d’un sens évident de la construction alliée à une direction fluide et claire (Enchantement du Vendredi Saint) bien que l’on ne ressente pas toujours sous cette baguette précise et expérimentée suffisamment d’urgence dramatique. Accueil plutôt favorable du public, moins bousculé que prévu par les intentions d’un metteur en scène finalement plus conventionnel que ne le laissait supposer sa lecture actualisée de l’œuvre. La part de mystère et d’envoûtement est laissée pour compte au nom de la condamnation du fanatisme et des symboles religieux laissés en jachère dans un bâtiment déserté.
 
Michel Le Naour

logo signature article

 
Wagner : Parsifal – Bayreuth, Festspielhaus, 24 août 2016

Partager par emailImprimer

Derniers articles