Journal

Paris - Compte-rendu : Sans voix. Reprise de la Butterfly selon Bob Wilson à la Bastille

Malgré ses quelques idées saugrenues – notamment l’attitude effrayée, véritable posture de méchant sortie tout droit d’une gravure d’Hokusai, que prend Goro dés qu’il entend quoi que ce soit en rapport avec les Etats-Unis d’Amérique – on continue d’aimer la mise en scène comme à son habitude stylisée et dépouillée de Bob Wilson.

Mise en scène ? Plutôt mise en espace, et l’on songe parfois que ce grand dévoreur de lointains devant l’éternel pourrait habiter avec son presque rien des cadres encore plus vastes que celui de Bastille. Livrés au plateau ouvert de tous cotés, les chanteurs se perdent dans la non acoustique infinie de cette salle décidément problématique : la Butterfly de Liping Zhang d’abord, dont l’entrée au lointain aura été plus sonore (miracle de la technique assistée ?) que tout le reste de son rôle : timbre joli, pas de médium, un aigu sans ressort, une phonation de l’italien défectueuse, cela serait pardonné si elle incarnait la geisha illusionnée, mais non, rien, personne n’habite ce costume et cette coiffure, pas même durant la mort, que Wilson copie sur celle d’un papillon épinglé par le collectionneur.

Même le sonore Yuri Kissin, même la Suzuki assez somptueuse d’Ekaterina Gubanova ou le Sharpless de Dwayne Croft sont dispersés dans l’éther, seul Marco Berti, avec son ténor bien centré, arrive à passer dans la salle : incarnation stylée qui ravira les puristes, et que la logique wilsonienne glace un peu plus qu’il ne faudrait. Cela accordé, on aura rarement entendu un Pinkerton aussi générique de timbre et aussi tranquille d’expression : impossible de le croire rongé par la honte lorsqu’il revient chercher l’enfant. L’enfant justement, dans sa nudité étudiée – Wilson recourt également à un enfant dénudé dans Siegfried que le Châtelet accueille cette semaine – est la seule source d’émotion d’un spectacle qui tire trop à la ligne : le II semble interminable. C’est aussi le seul acteur de la soirée à se glisser dans la gestique de Wilson sans que l’on voit une couture affleurer.

Il faudra chercher le seul accomplissement de la soirée dans la fosse. Marco Balderi dirige en finesse une partition que l’on fait trop tonitruer, rappelant que Butterflly est un drame de l’intimité. Traité avec ce tact, l’orchestre de Puccini dévoilait tous ses trésors d’imagination.

Jean-Charles Hoffelé

Madama Butterfly de Puccini, Opéra Bastille le 24 janvier, puis le 30 janvier et les 2, 5, 9, 12, 15, 17, 20, 23, 25 et 28 février.

Réservations pour le 17 février

Photo : Florian KLEINEFENN/ Opéra national de Paris
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles