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Paris - Compte-rendu : Entremont et Mikkola en concert, réussite confirmée

Le disque est une chose, le concert une autre et il toujours agréable que le second confirme l’impression positive laissée par le premier : c’est ce qui s’est produit avec le récital du duo Philippe Entremont (photo)-Laura Mikkola. Un très bel enregistrement de la Symphonie n°15 (dans la version pour deux pianos de l’auteur) et du Concertino op 94 est en effet sorti il y peu chez Cascavelle(1) et l’on retrouvait avec d’autant plus d’impatience un vétéran – en grande forme ! – du piano et son ancienne élève dans le cadre d’un week-end Chostakovitch de la série « Prima la Musica ! » de Vincennes. A la musique française revenait toutefois d’ouvrir la soirée avec Ma Mère l’Oye de Ravel. Les « Cinq pièces enfantines » n’ont rien de fragile sous les doigts des deux pianistes. Ceux-ci osent plénitude du son et richesse du timbre dans une interprétation qui semble appeler de ses voeux l’orchestration que l’auteur réalisa en 1911.

Née de la nécessité dans laquelle se trouvait Chostakovitch d’obtenir du Secrétariat de l’Union des Compositeurs l’autorisation de créer sa Symphonie n°15, la transcription pour deux pianos de la dernière symphonie de Dimitri Dimitrievitch constitue une franche réussite qui, loin d’appauvrir l’original, l’éclaire de manière aussi instructive que séduisante. P. Entremont et L. Mikkola soulignent tout ce que l’ouvrage contient d’ironique (les citations de Rossini, persifleuses à souhait, dans l’Allegretto initial !), mais aussi d’amer et de dramatique (la progression du Largo conclusif, remarquablement menée). Il se dégage de leur conception une ambiguïté d’humeur qui bouscule l’idée un peu simpliste que l’on se fait parfois de l’Opus 141.

«La plupart de mes symphonies sont des monuments funéraires. Trop de nos concitoyens ont péri on ne sait où. Personnes ne sait où ils sont enterrés. Même leurs proches n’en savent rien… Je composerais volontiers une œuvre pour chacun d’eux, mais c’est impossible. Je leur dédie donc toute ma musique»(1) : il n’est pas totalement interdit de songer aux propos de Chostakovitch au terme de la Symphonie n°15… La soirée se conclut pourtant de la meilleure humeur car le duo Entremont-Mikkola donne en bis le Concertino op 94, enlevé avec une complicité, un brio et une alacrité franchement irrésistibles.

Alain Cochard

Auditorium Cœur de Ville/Vincennes, le 14 décembre 2006.

(1) 1 CD VEL 3102
(2)Une citation reprise par l’altiste Fiodor Droujinine dans la préface de passionnants Souvenirs que l’Association Dimitri Chostakovitch vient de publier en traduction française. Infos : Association Internationale D. Chostakovitch/ 19 bis rue des Saint Pères – 75006 Paris/ Tel : 01 47 03 90 43.

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