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Orléans - Compte-rendu : Wilhem Latchoumia remporte le 7ème Concours International de piano

Au terme d’une 7ème édition réunissant trente-neuf candidats, le Concours International de Piano d’Orléans a décerné son 1er Prix à Wilhem Latchoumia, un artiste lyonnais né en 1974.

Toros, Winston, Francesco Tristano (1), Wilhem : la rareté du prénom serait-elle l’un des critères de choix des jurés du Concours International d’Orléans ? On va finir par le croire… Trêve de plaisanterie, la compétition créée par la pianiste Françoise Thinat a prouvé une fois de plus qu’elle place avant tout les qualités musicales et pianistiques et l’existence d’une véritable personnalité dans le choix de son Premier Prix (voir ci-dessous le palmarès complet d’un concours exceptionnellement bien doté).

Pour sa finale au Carré Saint-Vincent d’Orléans, le 7ème Concours mettait en compétition quatre pianistes, devant un public très fourni. La Grèce dominait numériquement cette finale avec deux artistes : Prodromos Symeonidis et Ermis Theodorakis, confrontés à Wilhem Latchoumia (France) et Andrei Soudelski (Russie). Le Quatuor pour piano, violon, violoncelle et clarinette de Hindemith (avec la participation de Marina Chiche, Jérôme Pernoo et Florent Héau) et une pièce réussie pour piano et dispositif électroacoustique de Pierre Jodlowski : Série noire ( Thriller) (commande du 7ème Concours) figuraient au menu de la dernière épreuve pour chacun des candidats retenus.

Test redoutable et ô combien révélateur dans une finale qu’un ouvrage de musique de chambre tel que le Quatuor de Hindemith ! Ermis Theodorakis aura beau par la suite éblouir l’auditoire en jouant de mémoire la pièce de Jodlowski (il bénéficie de surcroît de l’effet de surprise de la première exécution de l’oeuvre), il ne pourra faire oublier un grand manque de dialogue avec ses partenaires dans une partition qu’il ne parvient à investir (tempi trop lents, résultat compact).

Plus fluide, plus aérée, la conception de Prodromos Symeonidis contraste favorablement mais le jeu manque néanmoins de corps, de tension, de sens de l’écoute et le côté trop appliqué de la prestation caractérise tout autant l’exécution de Série Noire. Quels que soient les mérites des deux pianistes précités ou du jeune Andrei Soudelski, prometteur durant les épreuves précédentes selon les témoins interrogés, mais totalement étranger à l’enjeu de la finale, le charisme, le bonheur de jouer leur font défaut.

Dans ce contexte, Wilhem Latchoumia surclasse aisément ses rivaux. Enfin de la musique de chambre !, a-t-on envie de s’exclamer en l’entendant dans Hindemith. Regards complices, échange permanent avec les trois autres instrumentistes ; vigueur, souffle, naturel, virilité du propos : Latchoumia s’engage totalement et parvient, avec ses partenaires, à un résultat magnifique. Nous se sommes plus dans un concours, mais au concert ! Quelle réussite aussi dans l’ouvrage de Jodlowski ! L’interprète assume la dimension spectaculaire de l’ouvrage. La beauté et la plénitude de sa sonorité l’autorisent à toujours respecter (il est le seul à y être totalement parvenu !), sans jamais « taper », une palette dynamique essentiellement comprise entre le f et le fff.

Les affinités du vainqueur du 7ème Concours avec le répertoire contemporain ne sont pas pour surprendre lorsque l’on observe son parcours. Né en 1974, Wilhem Latchoumia a été élève de Pierre Pontier, Eric Heidsieck et Gery Moutier au CNSM de Lyon, où il a ensuite participé à l’Atelier du XXème siècle. Des masterclasses avec Yvonne Loriod, Pierre-Laurent Aimard, Claude Helffer ou Teresa Llacuna lui ont permis de perfectionner son art. Déjà couronné par un 2ème Prix au Concours de Piano contemporain « X. Montsalvage » de Gérone (Esp.), l’artiste s’est fait entendre dans diverses manifestations, mais il ne fait pas de doute que le coup de projecteur du Concours d’Orléans va contribuer à mieux le faire connaître. Wilhem Latchoumia n’oubliera pas non plus l’expérience d’une compétition où il a apprécié « la liberté de choix dans les programmes, hormis pour la finale. » Mais aussi « la qualité de l’accueil des familles qui hébergent les concurrents », « la possibilité de travailler son piano jusque très tard » et « l’atmosphère extrêmement conviviale » du concours.

Comme pour les précédents lauréats, la compétition orléanaise donne la possibilité à Wilhem Latchoumia de réaliser un CD dont le programme n’est pas encore décidé. Mais le pianiste sait déjà qu’il sera de retour en concert à Orléans l’année prochaine et qu’une tournée en Argentine se profile.

Can, Choi, Schlimé, Latchoumia… L’honnêteté et la pertinence des choix effectués par le jury (2) du Concours d’Orléans sur quatre éditions consécutives prouvent que la compétition mérite désormais l’attention de tous les mélomanes, organisateurs de concerts et agents à l’affût de vrais talents. Mais le Concours d’Orléans, comme l’affirme Françoise Thinat, fait figure d’« anti-concours » par bien des aspects. Ceci explique très certainement cela…

Alain Cochard

(1) Toros Can, Winston Choi, Francesco Tristano Schlimé ont remporté les trois précédentes éditions du concours.
(2) Le jury du 7ème Concours était présidé par Alicia Terzian (Argent.) et regroupait Diane Andersen (Belg.), Louise Bessette ( Can.) Bruce Brubaker (EU), Michel Decoust (Fr.), Yonty Solomon (Angl.) et Li Qing Yang (Ch.).

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Photo : DR
 

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