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Nathan Melzer, Case Scaglione et l’Orchestre National d’Île-de-France à la Philharmonie de Paris – Avenir confiant – Compte-rendu

A la direction musicale de l’Orchestre national d’Île-de-France depuis 2012, Enrique Mazzola y mène un travail admirable d’engagement et d’exigence et c’est non sans tristesse qu’on le verra quitter son poste à la fin de la saison en cours. La tristesse eût toutefois été bien plus grande si l’on n’avait pas eu l’assurance que les acquis de l’ère Mazzola et la formidable dynamique qui la porte seront préservés et fructifieront grâce au talent de son successeur, Case Scaglione (photo). Un artiste entre autres formé par David Zinman à Aspen, couronné par le Prix James Conlon et celui de la Fondation Solti, qui peut se targuer d’un solide expérience, du New York Phiharmonic au Philharmonique de Hong-Kong. Le concert que le jeune chef américain (né en 1982) vient de diriger à la Philharmonie aura définitivement rassuré le public quant à la succession qui se profile.

Le courant passe avec les musiciens franciliens ! On en prend la mesure dès l’Ouverture Prospero’s rooms de Christopher Rouse. Gestique souple et précise, très attentive aux timbres : Edgar Poe inspire la pièce (datée de 2012) et le chef parvient à faire ressentir de prégnante manière la Mort rouge étendant, une chambre après l’autre, son empire illimité.

Nathan Meltzer © Jiyang Cheng

On attendait le concert de l’Ondif pour Case Scaglione, mais aussi pour les débuts français de son compatriote violoniste Nathan Meltzer. Celui qui étudie encore auprès d’Itzakh Perlman à la Juilliard School s’est révélé dans toute la plénitude d’un art déjà remarquablement mûr. Sous son archet – et sur un somptueux Strad de 1734 (le Ames/ Totenberg) – le Concerto op. 46 de Khatchaturian assume sa part de brio et de virtuosité avec une imagination poétique et un lyrisme intense qui font de cette interprétation une expérience mémorable. Le Khatchaturian n’est pas le Brahms certes, mais c’est justement par son aptitude à transcender la partition de l’Arménien que l’artiste séduit et émeut profondément. 18 ans seulement : Meltzer peut envisager l’avenir avec confiance. Visiblement ému par l’accueil chaleureux d’une Grande Salle Pierre Boulez pleine comme un œuf, il garde toute sa maîtrise pour offrir en bis le Recitativo und Scherzo-Caprice de Kreisler, avec un chic et une élégance dignes de Perlman. Nathan Meltzer : retenez ce nom ; le jeune homme n’a pas de concerts programmés en France dans les mois qui viennent mais vous entendrez vite reparler de lui !

Avenir confiant aussi que celui de Scaglione avec l’Ondif. Après sa totale complicité avec Meltzer, il dirige les inoxydables Tableaux d’une exposition de Moussorgski. L’amour de la couleur instrumentale de Ravel est compris et restitué dans une approche toujours très caractérisée. Les vents se distinguent (fabuleux solo de saxophone de Jérôme Laran dans Il Vecchio Castello !) et, à tous les niveaux, l’engagement des instrumentistes participe d’une interprétation tout à la fois suggestive, poétique et mystérieuse.
Beaucoup de jeunes auditeurs dans la salle : heureux ceux qui auront entendu "pour la première fois" les Tableaux aussi rondement menés !

Alain Cochard

Paris, Philharmonie (Grande Salle Pierre Boulez), 25 novembre 2018 / www.orchestre-ile.com/

Photo © Chris Lee

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