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Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et Jacques Dor inaugurent le festival « Accolades eaux plurielles » – Générosité et exigence – Compte-rendu

 

Un pied dans la Manche, l’autre dans le Calvados ; entre Carentan et Isigny-sur-Mer, au cœur des marais maritimes de la baie des Veys : c’est là que vient de naître le festival Accolades eaux plurielles. La manifestation qui joue la carte de la pluridisciplinarité (expositions, théâtre, conférence, musique) s’est ouverte le 2 août avec un récital donné par la mezzo-soprano Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et le pianiste Jacques Dor.
 

© Florian Rubin

Passée par l'Académie de l'Opéra national de Paris (où elle a reçu le Prix de l'AROP), membre de la Nouvelle Troupe Favart de l’Opéra-Comique, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur s’apprête à chanter la deuxième Dame dans La Flûte enchantée en septembre prochain à l’Opéra de Paris.(1) Mais plus que les récompenses et cette future affiche, les nombreux spectateurs avaient sans doute à l’esprit la générosité de l’artiste qui se produisait gracieusement. Son statut de marraine du festival n’explique pas tout. C’est aussi parce que la mezzo est normande et née à deux pas du lieu du concert qu’elle a accepté de participer à ce tout jeune festival. « Qui aurait pu penser que je chanterai ici un jour ? », s’amusait d’ailleurs à la fin du concert celle qui chante depuis sa prime jeunesse, mais est venue au solfège très tardivement (à 21 ans !!) et a dû tout bâtir en quelques années seulement.

Généreuse et exigeante. Pour preuve le programme choisi par Marie-Andrée Bouchard-Lesieur : Les chants bibliques (1894) d’Antonin Dvořák et trois mélodies d’Henri Duparc, L'Invitation au voyage (1870), La vie antérieure (1884) de Charles Baudelaire et Chanson triste (1868) de Jean Lahor. Il faut « un côté kamikaze », qu’elle revendique d’ailleurs et que l’on saluera ici, pour chanter ces mélodies en plein air (le jardin d’une bâtisse du XVIsiècle). Evidemment, la voix est particulièrement exposée, sans réverbération flatteuse aucune. Si on ajoute une température frôlant les 30° et l’arrivée tardive du piano (un grand concert Erard de 1897) qui a seulement permis un court raccord avec Jacques Dor, excellent accompagnateur dans le meilleur sens du terme, on applaudira sans retenue la prestation de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur.
 

© Florian Rubin

Sans doute portée par le plaisir d’être chez elle, elle a servi Dvořák et Duparc avec une expressivité d’un grand naturel. La voix est puissante, sans projection excessive, et les graves impressionnent. Les dons de comédienne sont évidents aussi, particulièrement dans Hôtel (1940) de Francis Poulenc, Vodka (1925) et The man I love (1924) de George Gershwin, offerts en bis. Quant à l’amour qu’elle porte à Richard Strauss, il jaillit dans Morgen (1894), un lied qui commence par ces mots : Und morgen wird die Sonne wieder scheinen (Et demain le soleil brillera à nouveau). Nul doute que le soleil n’a pas fini de briller pour Marie-Andrée Bouchard-Lesieur.
 
Thierry Geffrotin

(1) www.operadeparis.fr/saison-22-23/opera/la-flute-enchantee#distribution

Festival Accolades eaux plurielles, Carentan les Marais, Haras du vieux Château, 2 août 2022 / jusqu’au 6 août www.accoladeseauxplurielles.com/
alma2a.com/marie-andree-bouchard-lesieur/
 
Photo © Florian Rubin

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