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"Mais quand c’est de la musique, la pollution s’honore"…Lettre ouverte au gouvernement, de Vanina Paoli, Présidente de la Chambre Syndicale des Métiers de la Musique

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La Chambre Syndicale des Métiers de la Musique demande une faveur inhabituelle au gouvernement. Une faveur gratuite, qui symboliserait fortement l’importance que l’on souhaite accorder à la musique, à la culture, et donc à notre avenir à tous. Nous rencontrons chaque jour des personnes qui rêvent de pratiquer sereinement leur instrument et s’en trouvent empêchées par leurs voisins. Des conflits qui se durcissent de plus en plus, jusqu’à l’huissier venant relever les décibels à domicile. Rêves qualifiés donc de « Nuisance sonore » et dûment réprimés, avec amendes et interdictions. Car, contrairement aux idées reçues, aucune tolérance n’est prévue par la loi. Fauteur de bruit, vous êtes, à 6h du soir comme à 3h du mat’. Que doit-on penser d’une société qui préfère le niveau sonore de sa télévision à celui d’un moment d’apprentissage musical ? Sachant que les citadins représentent les 3/4 de la population française, faut-il ainsi favoriser le repli sur soi et décourager l’accomplissement artistique de chacun ?

Autrefois, les Polonaises de Chopin parcouraient les cours d’immeuble sans être qualifiées de « bruit de comportement » susceptibles de « menacer la santé de l’homme ». Ainsi va, aujourd’hui, la vie citoyenne où grignoter des spécialités fromagères sur un canapé en ne foutant rien est infiniment moins désinvolte que de lutter vers 5H de l’après-midi avec les beautés fracassantes d’une Pathétique de Beethoven !

A l’heure de Voisin Voisine et de la Fête de la Musique, il serait temps de prévoir 3 ou 4 heures par semaine autorisées, réglementées, sans que cet enfant qui veut apprendre, ce senior qui se découvre une passion, cet adulte qui veut se détendre, ne se sente surveillé et ne se mette en faute ?

Comment apprendre à jouer d’un instrument sans pouvoir le pratiquer sans arrière-pensée, dans sa vérité sonore, et donc sans casque (qui rend sourd..) ? Alors oui, nous devrons supporter parfois une absence de talent, un manque de rythme, une insuffisance respiratoire, mais peut-on plus longtemps décourager l’amour du beau, la création elle-même, la douceur de vivre et que risque t-on à réapprendre à vivre ensemble ?

Non, ce n’est pas un détail, car la musique n’est pas un détail de notre vie. Elle la sublime, l’emplit de souvenirs, l’inspire et la rend parfois plus supportable. Elle a sauvé la vie de bien des gens, dans toutes sortes de circonstances.

Comptez donc le nombre de films des dix dernières années dont la musique est l’héroïne, jouissive, belle, rédemptrice, érotique, religieuse, comptez le nombre de pubs qui n’existeraient pas sans elle. Musiques revenues de tout, et de toutes les époques. Musiques partout et tout le temps. Mais faut-il rester dans un fauteuil, sans pouvoir se hisser sur un tabouret ?

On ne rend pas à la musique la monnaie de sa pièce, dans ce pays. Elle colle au désir de tous, elle distribue l’émotion jusque dans les ascenseurs et les boutiques de fringues, et pourtant, sauf à l’apprendre au fond d’une cave, d’une forêt, d’un maquis, nul ne peut répéter tranquille, chez lui.

Si la liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres, peut-on l’imaginer sans musique ? 3 ou 4 heures de pratique musicale autorisée, réparties sur la semaine, à un volume raisonnable, à un moment toléré par tous : il suffirait d’un petit décret pour réaffirmer l’exception culturelle française !

Rétablissons vite ce lien si puissant entre les hommes. N’est-il pas vrai qu’en musique, tout est affaire d’arrangements ?

Vanina Paoli
Présidente de la Chambre Syndicale des Métiers de la Musique

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Photo : DR
 

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