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Louis Langrée et la Camerata Salzbourg au TCE  - « La pesanteur et la grâce » - Compte-rendu


Qu’est-ce qu’un grand chef ? Celui qui réussit à porter un orchestre au-delà de ses limites techniques. C’est ce qu’on se disait au sortir de la soirée que Louis Langrée et la Camerata de Salzbourg ont consacrée au trois dernières Symphonies de Mozart. Le chef français en s’inspirant de l’expérience des instruments anciens qu’il a acquise au Festival de Glyndebourne dont il fut l’un des piliers, a su renouveler l’interprétation des jeunes compatriotes de Mozart sans rompre le fil subtil qui les relie inconsciemment à lui. Dans cet ensemble d’une trentaine de quasi-solistes, les cordes vibrent très peu, la petite harmonie est au premier plan faisant entendre des contrechants noyés d’ordinaire dans la masse sonore.

Certains vont crier à la « symphonie de chambre » ! Et alors, si c’est un retour aux origines – surtout pas un retour en arrière ! – qui permet mieux que les interprétations « grasses » des effectifs mahlériens d’entendre la nouveauté en son siècle de la musique de Mozart, bref, ce qu’elle avait de dérangeant pour les oreilles de ses contemporains mais qui faisait crier son ami Joseph Haydn au génie ? Des suspensions harmoniques soudaines comme des arrêts sur image, un retour de la phrase sur elle-même, un semblant de finale d’opéra comique, tout cela pour mieux désorienter l’auditeur volontairement égaré dans un labyrinthe de sons. De fait, l’auditoire a l’impression de redécouvrir ces oeuvres archi-connues.

La Camerata de Salzbourg suit aveuglément le chef français dont elle plébiscite la perspicacité. D’autant qu’il possède comme bien peu aujourd’hui les secrets de la langue de Mozart, qu’il traduit avec autant de naturel qu’un Bruno Walter, un Sandor Vegh ou une Clara Haskil. Comme quoi, la spontanéité, ce mélange de pesanteur et de grâce, n’est que le fruit d’un long travail. A tout juste cinquante ans, patron du Festival Mozart de New York, Louis Langrée voit sa carrière internationale exploser. On s’étonne, un instant, qu’aucune grande phalange de l’Hexagone n’en ait fait son patron…

Mais dans un quart de siècle, alors qu’il sera sans doute à la tête de l’Orchestre National Symphonique de Chine, où il aura succédé à Michel Plasson, quelque obscur bas fonctionnaire viendra le supplier de sauver la situation ! Air, connu depuis que son oncle, un certain Charles Munch, fut débauché de Boston à près de quatre-vingt ans pour créer l’Orchestre de Paris…

Qui a dit que la France changeait ?

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 11 mai 2011

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Photo : DR

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