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L’Opera seria de Gassmann à Bruxelles - Seria en abyme

René Jacobs (photo) revient à L’Opera Seria de Gassmann qui avait fait l’effet d’une bombe lors de sa reparution le 1er avril 2003 sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées – la production reprise alors venait de Schwetzingen et datait de 1994.
Mais qui est ce compositeur dont la postérité n’a retenu qu’un opéra parmi les vingt et un qui nous sont parvenus ? Florian Leopold Gassmann est né en Bohême, à Brüx, le 3 mai 1729. On ne sait pas grand-chose de son enfance, sinon qu’il fut comme Gluck élève des Jésuites à Komotau, et qu’il fit jeune homme le voyage d’Italie probablement pour étudier avec le Padre Martini. C’est à Venise qu’on le retrouve, musicien attitré du Conte Veneri : en 1757, le San Moisè dévoile sa Merope. Jusqu’en 1762 il donnera chaque année un opéra pour le temps du Carnaval, sa réputation prodigieuse – les Vénitiens voient en lui le successeur des grands compositeurs lyriques lagunaires – s’étend jusqu’à Vienne qui en fait son compositeur de ballet favori.

Il partage son temps entre Venise et Vienne avant de s’installer définitivement dans la capitale autrichienne où il s’éteindra le 20 janvier 1774, produisant opéras et oratorios, tous marqués par une verve, un invention qui firent s’extasier Burney et Mozart. Mais ses Symphonies - trente-trois - , totalement tombées dans l’oubli sont aussi remarquables par leurs hardiesses que celles de Joseph Haydn. Gassmann représente dans l’histoire de l’opéra une articulation subtile entre l’opera seria italien et tout un nouveau théâtre du sentiment, de l’intime, qui conduit directement à Mozart. Il fut l’un des maîtres de Salieri.

Composé en 1769, alors que Gassmann était au sommet de sa gloire de compositeur lyrique – L’opera seria, cet opéra dans l’opéra qui démonte allègrement les mécanismes du style seria, en moque les procédés,  raille les livrets ridicules cousus d’invraisemblances, dépeint les mœurs des impresarios et des divas, la fatuité des danseurs, est un régal de distanciation, d’humour parfois cruel, et anticipe à la fois sur Il Viaggio a Reims de Rossini et le Prologue de l’Ariadne auf Naxos de Richard Strauss.

Pari du livret de Calzabigi : une troupe doit monter un opera seria en une journée ; une foire aux égos prétexte à toutes les charges et à toutes les folies. Le Théâtre de la Monnaie en confie la régie virevoltante à Patrice Kinmonth (dans le cadre du Cirque Royal). Fera-t-il aussi bien que le spectacle endiablé réglé par Jean-Louis Martinoty ? Certainement, car guidé pour la dramaturgie par Olivier Lexa, comment pourrait-il en être autrement ?
En tous cas Jacobs (à la tête du B’Rock Orchestra) lui donnera tout le sel qu’il sait y mettre, portant une belle équipe de chant où l’on guettera entre autres le Delirio de Pietro Spagnoli, et la Porporina de Sunhae Im.

Jean-Charles Hoffelé

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Gassmann : L’Opera seria
9, 11, 12, 14, 16 &17 février 2016
Bruxelles – Cirque Royal
www.lamonnaie.be

Photo © Molina Visuals pour Harmonia Mundi

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